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L'uranium, offre demande et évolution du marché


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Posté(e)

Bonjour à tous, je poste un petit rapport que je viens de faire sur l'uranium, dans le cadre du cours SCT7001 (ressources minérales et mondialisation) à l'Université du Québec à Montréal (formation M2 EGERM d'orléans-Montréal) et que je viens de rendre au professeur Michel Jébrak.

Le rapport est rendu donc je ne peux plus le modifier, mais il serait intéressant d'en discuter. C'est un vaste sujet, plusieurs voies sont ouvertes.

L’URANIUM

OFFRE, DEMANDE ET EVOLUTION DU MARCHÉ

yellowcake1.jpg

Concentré d’uranium U3O8, communément appelé yellowcake (source www.eia.doe.gov)

OFFRE

I. Qu’est-ce que l’Uranium ?

L’uranium fut examiné pour la première fois par Klaproth, chimiste prussien, qui lui donna un premier nom « urane » (pechblende UO2) en 1789. Le nom « uranium » ne fut établi qu’en 1841 par Péligot (chimiste français) qui isola l’élément [1].

C’est un métal lourd radioactif gris métallique de la famille des actinides. Il possède 92 protons, le même nombre d’électrons et peut avoir entre 141 et 146 neutrons, soit dix-sept isotopes dont seulement trois sont présents à l’état naturel [1, 2]:

- l’isotope 238U92, présent à plus de 99% dans la nature et de demi-vie égale à 4,5∙109 ans,

- l’isotope 235U92, présent à ~0.72% dans la nature et de période égale à 7∙108 ans,

- l’isotope 234U92 existe dans des proportions beaucoup plus faibles, d’environ 0,005% et possède une période de 2,4∙105 ans.

Dans l’écorce terrestre, l’uranium est dispersé à globalement 3 ppm, mais certains granites et laves peuvent le concentrer à plus de 6 ppm. Les teneurs requises pour un gisement doivent être d’au moins 1000 ppm, soit 1 kg/t d’uranium, ou parfois de 300 ppm voire moins dans certains cas de gros tonnages disponibles à ciel ouvert [2].

Les océans sont également des ressources potentielles en uranium de par leur concentration à 3 mg/m3, mais les méthodes d’exploitation actuelles ne sont pas assez rentables pour développer cette gigantesque réserve [2, 6].

L’uranium 235 est le seul qui soit fissible naturellement. La fission d’un atome d’235U92 libère une énergie de l’ordre de 200 MeV [1].

L’isotope 238, doit être bombardé de neutron pour, après capture d’un neutron, devenir un atome d’uranium 239, instable, qui se désintègrera en neptunium 239 puis plutonium 239. C’est ce dernier isotope fissible qui relâchera une énergie de l’ordre de 210 MeV [1].

Un kilogramme d'uranium naturel permet la production de 500 000 Mégajoules dans un réacteur conventionnel, à comparer avec 39 MJ obtenus par un kg de gaz, 45 MJ pour un kg de pétrole, et 20 à 30 pour le charbon [4].

Il existe plus de 150 minéraux uranifères comprenant les minéraux primaires (uraninite, pechblende, coffinite, brannerite, …) et les minéraux secondaires, très colorés et fluorescents (autunite, uranophane, carnotite, gummite, torbernite, …) [2, 8].

II. Gîtologie de l’uranium [8, 9]

On peut regrouper jusqu’à plus d’une dizaine de types de gisements à travers le monde :

Les gîtes liés à des discordances majeures constituent environ 33% de la production mondiale. Les métasédiments minéralisés sont couramment cisaillés et bréchifiés au contact de la discordance. Les roches plus jeunes sus-jacentes sont souvent gréseuses, non déformées et d’âge Protérozoïque inférieur à moyen. Les principaux gisements sont ceux du Canada (bassin de l’Athabasca, Saskatchewan), et ceux d’Australie (Territoires du Nord et de l’Ouest). Les teneurs de ces gisements peuvent aller de quelques pourcents jusqu’à plus de 20%, atteignant même parfois 50%.

Les complexes bréchiques à hématite de type Olympic Dam (Australie du Sud, 66% des ressources et réserves australiennes). Il s’agit de brèches riches en oxydes de fer, dans des porphyres alcalins d’âge souvent Protérozoïque. Les teneurs sont de 0,04 à 0,08 % U3O8.

Les gîtes gréseux se rencontrent dans des dépôts fluviaux ou marins marginaux de granulométrie moyenne à grossière. Les minéralisations d’uranium précipitées en milieu réducteur sont souvent piégées entre des couches de shales et mudstones. Ces gisements ne présente pas de fortes teneurs (0,05 à 0,4 ù U3O8) mais constituent cependant 18 % des ressources mondiales. Les grands gisements représentatifs se situent dans les grands bassins sédimentaires (Ouest des Etats-Unis, Kazakhstan, Mongolie, Niger, Gabon, France à Lodève et Coutras).

Les gîtes de conglomérats à galets de quartz représentent 13 % des ressources mondiales. L’uranium étant concentré à des teneurs inférieures à 0,2 % U3O8, il est exploité comme sous-produit. Des exemples de tels gisements sont Elliot Lake (Ontario) et Witswatersrand (Afrique du Sud).

Les gîtes filoniens représentent 9 % des ressources mondiales. Les gisements majeurs incluent Jachymov (République Tchèque) et Shinkolobwe (Zaïre).

Les gîtes des sédiments superficiels récents comprennent environ 4 % des ressources mondiales. L’uranium se concentre dans les sédiments à cimentation secondaire tel que la calcrète (5 % des réserves et ressources australiennes). On rencontre aussi ce type de gisement en Namibie.

Les gîtes des pegmatites et granitoïdes (Rössing, Namibie) sont associés à des intrusions felsiques. Ils contiennent des très basses teneurs (0,03-0,05 % U3O8).

Les gîtes volcaniques et liés à des caldeiras constituent le plus gros de la production soviétique (Streltsovka, Russie).

On connaît aussi d’autres gisement tels que ceux issus de volcanisme acide, les gîtes métasomatiques, les gîtes métamorphiques, les gîtes remplissages de cheminées bréchiques (breccia pipe de type plateau du Colorado ou dans des carbonatites de Palabora) et les gisements de charbon uranifères.

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Figure 1. Répartition mondiale des différents types de gisement d'uranium (source : [8])

III. Les autres sources d’uranium [7, 8]

L’uranium présent sur le marché ne provient pas toujours directement des ressources primaires (mines). Le militaire et nucléaire civil constituent aussi d’importantes ressources secondaires en uranium, et comprennent :

-Le démantèlement des ogives nucléaires (accords de désarmement HEU – High Enriched Uranium – entre USA et Russie) qui constitue près de 10 000 t/an d’uranium,

-Le retraitement des combustibles nucléaires usés (quelque 800 t par an en France) (MOX : oxyde mixte de plutonium et d’uranium – économie de 10% d’uranium),

-Le ré-enrichissement de l’uranium appauvri (coûte cher mais produit théoriquement 6 000 t/an),

-La réutilisation de l’uranium hautement enrichi (5000 t/an).

IV. Méthodes de production [1, 8, 10]

Les techniques d’extractions dans les gisements à une teneur de 0,3 à 0,5% se font par des méthodes classiques d’exploitation à ciel ouvert quand les minéralisations sont proches de la surface. Dans le cas contraire, l’extraction se fait en galeries souterraines mais requiert des règles de radioprotection drastiques contre les poussières et le radon (arrosage et ventilations puissantes). L’extraction se fait soit par abattage classique du minerai, soit par lixivation in-situ (injection de solutions généralement alcalines). AREVA a développé une technique particulière d’abattage hydraulique dans des sites à teneurs très élevées (supérieures à 20%, Cigar Lake – Canada). Ces teneurs rendant impossible la présence des mineurs, les opérations sont entièrement automatisées.

L’uranium extrait doit subir ensuite différentes étapes de traitement pour aboutir au produit marchand. Il est traité physiquement et chimiquement dans des structures proches du lieu d’extraction pour diminuer les coûts de transport et les risques de contamination. Le produit final commercialisé, appelé Yellowcake de par sa couleur jaune, est une poudre composée de diuranate d’ammonium ([NH4]2U2O7, noté DUA) qui contient environ 75% d’uranium.

V. Ressources et réserves dans le monde

L’évaluation des ressources disponibles en uranium nécessite de prendre en compte les coûts de production et le marché de l’uranium. Ces Réserves sont régulièrement évaluées par l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), en association avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) [12]. En tenant compte du marché actuel de l’uranium, un coût de production rentable à moins de 40$ /kg implique des réserves d’environ 2Mt [8]. Les besoins annuels étant estimés à 60 000 t aujourd’hui [7], et en considérant ce chiffre constant dans les années à venir, ces ressources devraient satisfaire la demande mondiale pour une trentaine d’années. Si l’on considère des coûts de productions plus élevés (impliquant une hausse du prix de l’uranium sur le marché), à 80$ /kg les réserves mondiales d’uranium grimpent à 4Mt et à 5Mt pour une production d’un peu moins de 160$ /kg [2]. Si l’on ajoute à cela les gisements potentiels reposant sur les relevés géologiques, le stock est évalué à environ 17 Mt, soit une perspective d’épuisement repoussée à 280 ans [2,7].

Ces réserves sont partagées entre quatre grands blocs [2]:

-l’Australie (36%),

-ex-URSS (27%) : Kazakhstan, Ouzbékistan, Russie, Ukraine,

-l’Amérique du Nord (18%), Canada, USA,

-l’Afrique du Centre et du Sud (14%) : Afr. du Sud, Namibie, Niger.

Les réserves en Amérique latine sont encore mal connues, celles du Brésil étant estimées à 2%.

En 2007, la production mondiale d’uranium était d’environ 41 000 t. Deux tiers de cette production étaient détenus par le Canada (23% avec 9476t), l’Australie (21% avec 8611t) et le Kazakhstan (16% avec 6637t) [11].

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Figure 2. Répartitions des principaux pays producteurs d’uranium (source : Wikipédia/extraction uranium)

Les mines les plus productrices à travers le monde sont actuellement : McArthur River (Saskatchewan , Canada), Ranger (Territoire du Nord, Australie), Rossing (Namibie), Krasnokamensk (Russie), Olympic Dam (Sud de l’Australie), Rabbit Lake (Saskatchewan, Canada), Akouta (Niger), Arlit (Niger), Akdala (Kazakhstan), Highland-Smith Ranch (Wyoming, USA), Beverley (Sud Australie), McClean Lake (Saskatchewan, Canada)

VI. Principales compagnies productrices

En 2007, sept compagnies se partageaient 85% de la production minière mondiale d’uranium.

Areva (compagnie française - anciennement Cogema) exploite 15 % de la production mondiale avec 6 046 t en 2007, à partir de gisements répartis dans plus de 30 pays dont le Canada, l’Australie et le Niger principalement. Cette part du marché se situe au troisième rang mondial derrière Rio Tinto (groupe anglo-australien) à 17% et Cameco (compagnie canadienne) à 18%, première au rang mondial avec 7 770 t en 2007. Les autres acteurs majeurs du domaine sont KazAtomProm (Kazakhstan) avec 12% puis Arizuma (ARZM – compagnie canadienne) et BHP-Billiton (compagnie anglo-australienne) qui comptent environ 8% de la production mondiale [11].

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Figure 3. Production des principales compagnies en 2007 (données : World Nuclear Association[11])

DEMANDE

I. Applications historiques et actuelles de l’uranium [1, 7, 8, 10]

La grande quantité d’énergie dégagée par l’uranium (cf. partie I) fait de lui une matière première idéale pour la production d’énergie, c’est ce qui explique que sont utilisation exclusive est destinée à la production d’énergie nucléaire.

Cependant, avant la découverte de la radioactivité à la fin du XIXème siècle, ses utilisations ne furent pas énergétiques. Il fut utilisé en tant que pigment jaune, orange ou vert dans la céramique, et comme composant dans les peintures phosphorescentes

La découverte de la propriété radioactive de l’uranium par Becquerel en 1896 puis Pierre et Marie Curie en 1898 entraîna d’autres découvertes dans le domaine de la radioactivité (Einstein et la relation E=mc², les Joliot-Curie et la radioactivité artificielle, Fermi et la « pile atomique »). Le rayonnement intéressa d’abord la médecine par ses applications thérapeutiques (radiographie) puis au fil des découvertes les applications énergétiques commencent à se dessiner.

Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les demandes en uranium se font pressantes, notamment par les Etats-Unis qui visent à utiliser les propriétés énergétiques de l’uranium à des fins militaires (le projet Manhattan pour la création de la première Bombe A).

Après la guerre, l’uranium avait deux utilisations principales, les armes atomiques et l’électronucléaire civil ou militaire (propulsion de navires militaires et sous-marins nucléaires).

En 1945, le Général de Gaulle créa en France le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) pour poursuivre les «recherches scientifiques et techniques en vue de l’utilisation de l’énergie nucléaire dans les domaines de la science, de l’industrie et de la défense nationale» (article premier du décret du 18 octobre 1945), ce qui projeta la France dans un grand développement de l’électronucléaire. La première centrale nucléaire civile fut mise en fonctionnement en 1957[12].

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Figure 4. Evolution des besoins en uranium dans le monde de 1957 à 2003 (source : rétrospective du Livre Rouge [12])

En 1965, l’OCDE/AEN (Organisation de Coopération et de Développement Economique/Agence pour l’Energie Nucléaire) a mis en place un ouvrage, le « Livre rouge », présentant les mises à jour périodiques sur les ressources, la production et la demande en uranium. Les besoins annuels des centrales nucléaires (qui « se réfèrent aux acquisitions d’uranium naturel, et pas nécessairement à la consommation, au cours d’une année civile » [12]) n’ont cessé d’augmenter depuis 1957.

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Figure 5. Localisation des réacteurs actifs dans le monde en 2005 (source: International Nuclear Safety Center, Argonne National Laboratory, août 2005)

À la fin de l’année 2006, environ 15 % de la production mondiale d’électricité était assurée par 435 sites nucléaires actifs dans 31 pays représentant une puissance installée d’environ 359 400 MWe (« Les États-Unis d’Amérique possèdent le parc le plus important avec 103 tranches en exploitation, suivis de la France avec 59, du Japon avec 55 en exploitation plus une en construction, et de la Russie avec 31 en exploitation et sept en construction » – Communiqué de presse 2007 de l’AIEA [14]).

EVOLUTION DES PRIX

I. Etude au long terme [8, 12, 14]

L’évolution du prix de l’uranium dépend plus des événements propres à l’industrie nucléaire qu’à la situation économique mondiale. Cependant, comme pour les autres produits sur le marché, cette évolution affiche des comportements cycliques dépendants de l’offre et la demande (offre ou demande encouragées lorsque les prix sont élevés ou faibles respectivement).

Après la deuxième Guerre Mondiale, se mettent rapidement en place des organismes de recherche (comme le CEA) et la construction des premières centrales nucléaires aux Etats-Unis, en Union Soviétique puis en France et au Royaume-Uni. Les demandes en uranium sont alors fortes et le prix élevé. Mais la demande est aussi fortement influencée par les besoins militaires, et une partie du marché faussée par les impératifs nationaux de sécurité et de secret à cause de la Guerre Froide [14].

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Figure 6. Evolution du prix de l'uranium de 1948 à 2005 en US$/lb U3O8

Au début des années 70, les premières transactions sur le marché civil étaient enregistrées à un niveau de l’ordre de 6 US $/lb U3O8 (Le marché de l’uranium s’évalue soit en uranium métal (U), soit en oxyde d’uranium : 1% U3O8 est égal à 0,848% U) [8].

En 1973, la crise pétrolière sensibilise les gens au potentiel du nucléaire, les investisseurs parient sur la renaissance du nucléaire et les besoins militaires sont toujours présents. Il en résulte une explosion du prix de l’uranium qui triple entre 1973 et 1975. Cette hausse est alimentée par la crainte d’une pénurie de l’offre d’uranium liée à la multiplication des commandes de réacteurs. Un pic historique est alors atteint entre les années 1976 et 1978 avec 45 US $/lb d’U3O8 [8].

En 1976, la découverte du plus grand gisement d’uranium (Olympic Dam, Australie) vient assurer un équilibre entre l’offre et la demande mais cette découverte est suivie deux ans plus tard de l’accident du réacteur de Three Mile Island. Une peur du nucléaire s’installe (alimentée également par l’accident de Tchernobyl en 1986), des commandes de réacteurs sont annulées, et cette diminution de la demande contraint l’industrie à constituer d’importants stocks. De 1979 à 1981, l’uranium voit donc son cours s’effondrer.

La fin de la guerre froide en 1989 est suivie par un démantèlement des armes nucléaires (URSS, CEI) et la mise sur le marché de stocks d’uranium hautement enrichi et à des prix très inférieurs aux coûts de production occidentaux. Cette nouvelle source secondaire ajoutée aux prélèvements sur les stocks d’uranium issu des ressources naturelles n’arrange pas la situation du cours de l’uranium. En effet, son cours voit deux minimums historiques, un premier en 1992, à 7-8 US$/lb d’U3O8 puis, après une hausse temporaire et spéculative en 1995 et 1996, un nouveau minimum à 7 US $ à la fin de l’année 2000 [8].

A partir de 2003, la baisse des sources secondaires se fait sentir avec l’avancement dans le démantèlement des armes nucléaires. L’avancée technologique en terme de sécurité dans l’électronucléaire est significative, et la prise de conscience environnementale augmente l’espoir de construire de nouveaux réacteurs. Le marché de l’uranium se traduit alors par une hausse de prix. A l’automne 2004 le prix de l’uranium avoisine les 20 US $/lb d’U3O8 [8].

II. Etude à court terme

A partir de juin 2002 (~9US$/lb), la hausse du prix de l’uranium n’a cessé d’augmenter de façon exponentielle jusqu’à atteindre à la fin du mois de juin 2007 un pic à 135 US$/lb selon UX Consulting et 138 US$/lb selon TradeTech (deux entreprises d’analyse financière qui calculent le prix spot de l’uranium a partir des différentes ventes proposées par les compagnies productrices et les acheteurs tel que les services publics et services gouvernementaux), soit une augmentation de près de 1400% depuis 2002.

Cette hausse explosive du prix de l’uranium est due à plusieurs facteurs dont deux principaux. Tout d’abord, de nombreux producteurs ont créé de gros stocks, gardant leur production hors du marché en attendant que le prix monte pour tout liquider [17]. Du côté de la demande, le nombre de réacteurs planifiés et proposés par différents pays augmente de manière significative. Ce nombre est passé de 153 en mai 2006 à 222 en janvier 2007 puis à 315 en janvier 2008, soit une augmentation de 45% en seulement 8 mois et 106% en 20 mois [15]. Il faut ajouter également à cette demande, la spéculation des investisseurs à court terme qui sont souvent à l’origine des plus grandes et rapides variations du marché [18]. L’uranium a donc vu au cours de 2006 et 2007 beaucoup d’acheteurs devant une offre boudant la vente, entraînant ainsi la hausse des prix de l’uranium jusqu’à 200% en seulement 1 an (cf. figure7).

Lorsque les producteurs en arrivent au stade où la vente s’impose pour pallier les dépenses, les stocks inondent soudainement le marché alors que les acheteurs ayant perdu confiance devant de tels prix ont pratiquement disparu. Le trop plein d’offre devant la demande entraîne une chute inexorable des prix de l’uranium à partir de juillet 2007. Ce déséquilibre offre/demande est ensuite fortement augmenté par l’arrivée sur le marché de 200 tonnes d’hexafluorure d’uranium (UF6) par le Département de l’Energie des Etats-Unis [17]. Certains associent également cette déflation à la fuite du réacteur japonais Kashiwasaki-Kariwa après le grand séisme de juillet 2007 [16] comme la déflation qu’avait entraîné l’accident de Three Mile Island en 1979, mais le marché aurait montré des signe de faiblesse avant cet évènement (selon TradeTech LLC, les demandes ont chuté de plus de 70% entre avril et juillet 2007 [16]).

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Figure 7. Prix spot de l'uranium en US$/lb entre début 2004 et fin 2008

Après la deuxième moitié du mois d’octobre 2007, le prix de l’uranium remonte à 93 US$/lb (cf. figure 7), ce qui laisse présager une stabilisation du marché de l’uranium, mais la baisse continue du prix des actions pour les compagnies reflète la réalité d’une prochaine rechute du prix spot du yellowcake [17].

Plus récemment, les retombées de l’économie générale et la crise du crédit (ou crise des subprimes) ont affecté le marché de l’uranium qui, jusque là n’y était pas sensible (le prix final de l’énergie nucléaire dépendant peu des variations du prix du combustible – 5% du coût de production – les périodes de récession n’affectent généralement pas ce secteur [19]). Selon Treva Klingbiel (Président de TradeTech), la liquidation des actifs par les actionnaires a tiré le prix spot de l’uranium vers le bas et força les autres vendeurs à couper leurs prix pour rester compétitifs sur le marché [20].

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Figure 8. Prix de l'uranium en US$/lb du 20 octobre au 20 novembre 2008

Depuis les dernières semaines, le marché anormalement bas étant propice à l’achat d’actions, les volumes de transaction étaient forts, attirant les acheteurs à investir fortement par spéculation. Le marché a alors augmenté de 44 à 53 US$/lb d’U3O8 (cf. figure 8). Le 14 novembre 2008, TradeTech a annoncé qu’une « demande importante commence à apparaître avec les acheteurs "off-maket" qui ont acquis l’équivalent de plus d’un million de livres d’U3O8 en cinq transactions durant la semaine précédente, avec chaque transaction conclue à des prix successivement plus hauts. Les acheteurs sont des services, des intermédiaires et des producteurs. Les acheteurs consentent à payer des prix plus élevés pour sécuriser le matériel, et les vendeurs sentant que le vent a tourné en leur faveur, augmentent le prix de l’offre à chaque nouvelle demande des acheteurs. Au final, l’indicateur du prix spot de TradeTech a augmenté cette semaine à 53 US$/lb d’U3O8, soit de 5 US$ de plus que l’indicateur de la semaine précédente » [20]. Mais il est cependant difficile de savoir si la progression à court terme va augmenter ou s’il s’agit simplement de variations toujours situées dans le creux de la vague.

Au cours du XXIème siècle, la demande en électricité mondiale devrait croître fortement et sera tirée par les pays en développement. Les accords de Kyoto pour la réduction de la production de gaz à effets de serre vont également pousser l’uranium comme une source énergétique privilégiée et acceptée progressivement par les groupes environnementaux.

Le parc nucléaire est d’ailleurs grandissant dans de nombreux pays sur la planète. Une forte demande est attendue du côté asiatique, venant de la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, et le Japon. En Europe, la France, la Finlande et la Grande Bretagne ont décidé de construire de nouvelles centrales tout comme en Europe de l’Est avec la Russie et l’Ukraine. Les Etats-Unis tendent également à augmenter le nombre de leurs réacteurs.

Cette demande accrue provoquera inévitablement un risque de pénurie d’uranium, donc une augmentation du prix de l’uranium permettant de débloquer des fonds pour la recherche de nouveaux gisements. Cependant, si aucun gisement à forte teneur n’était trouvé, le prix devrait fortement augmenter pour diriger la prospection vers de nouveaux types de gisements à plus faible teneur et une amélioration dans les technologies d’exploitation.

____________________________

Références

[1]http://fr.wikipedia.org/wiki/Uranium

[2]Nucléaire – Les chemins de l’uranium, P. Morvan, Ellipses, 2004

[3]Emsley, Nature's Building Blocks (2001), page 479

[4]http://www.aph.gov.au/house/committee/isr/uranium/subs/sub12.pdf

[5]http://en.wikipedia.org/wiki/Uranium

[6]http://www.cea.fr/var/plain/storage/original/application/07eade098598d926eccc4627b584b173.pdf

[7]Olivier Donnars, Les défis du CEA • décembre-janvier 2002 - n°94

[8]SIDEX, Michel Champagne ∙ Novembre 2004 ; Leroy et al., 2003).

[9] http://www.eoearth.org/article/Geology_of_uranium_deposits Hore-Lacy, Ian (Lead Author); World Nuclear Association (Content Partner); Cutler J. Cleveland (Topic Editor). 2008. "Geology of uranium deposits." In: Encyclopedia of Earth. Eds. Cutler J. Cleveland (Washington, D.C.: Environmental Information Coalition, National Council for Science and the Environment). [First published in the Encyclopedia of Earth August 30, 2006; Last revised February 12, 2008; Retrieved November 8, 2008]

[10]http://fr.wikipedia.org/wiki/Extraction_de_l%27uranium

[11] http://www.world-nuclear.org/info/inf23.html

[12] http://browse.oecdbookshop.org/oecd/pdfs/b...it/6606092E.PDF Ressources, production et demande de l’uranium : un bilan de quarante ans « rétrospective du Livre rouge », AEN, OCDE.

[13] http://www.nea.fr/html/pub/newsletter/2006...4-1-uranium.pdf

[14] http://www.iaea.org/NewsCenter/PressReleas...rn200719_fr.pdf

[15] http://www.reuters.com/article/pressReleas...2008+MW20080327

Resource Capital Research, March 27 2008

[16] http://www.ft.com/cms/s/0/5246f912-3476-11...?nclick_check=1

Eugen Weinberg, Commerzbank, July 17 2007

[17] http://www.lachroniqueagora.com/articles/20071123-446.html

Rédacteurs de la chronique Agora, 23 Novembre 2007

[18] http://www.stockinterview.com/News/0702200...ce-decline.html

James Finch and Julie Ickes, July 2, 2007

[19]http://www.observateurocde.org/news/fullstory.php/aid/1214/Flamb_E9e_du_prix_de_l_92uranium.html L’Observateur de l’OCDE, N°249, Mars 2005

[20] http://www.uranium.info/index.cfm?go=c.page&id=103

TradeTech Newsletters, 14 novembre et 31 octobre 2008

Posté(e)

Bonjour Lilian,

Joli rapport :grand sourire:

J'ai déjà parcouru ce qui était accessible dans les données de Michel Jébrak. C'est une bonne mise à jour sur le sujet. :clown:

Pour ma part, tout est bon, selon mon modeste point de vue. Si ce n'est que deux aspects n'ont pas été soulevés, j'en parle pour les avoir abordé par ma curiosité : Tu le soulignes, les ressources en uranium ne sont pas eternelles... ce n'est pas une ressource renouvellable. Tu ne parles pas de la sensibilisation des gouvernements à ce fait. Tu ne parles pas non plus des pressions des politiques gouvernementales occidentales pour préserver leur près carré environnemental (exemple le gisement sédimentaire de Coutras avec près de 10 000 t de métal contenu et qu'Areva n'ose pas exploiter pour ne pas soulever des tollés locaux... )

Ensuite, le problème des ressources limitées en uranium mène inévitablement à étudier d'autres sources de récupération de l'uranium. Le CRIRAD avait mis en lumière il y a peu de temps la teneur anormalement élevée d'uranium dans certains phosphates marocains. Une étude a mis en avant que les phosphates pourraient fournir une source secondaire d'uranium non négligeable ( jusqu'à 5000 t par an )....

Mais bon, le principe de faire des études, c'est bien d'apprendre... et même professeur, il faut rester en éveil sur le sujet que l'on aborde. Belle étude d'ensemble, Lilian. Bon courage pour la suite.

Eric

  • 2 semaines après...
Posté(e)

Bonjour à tous et merci pour vos réponses! :grand sourire:

Pour répondre à Eric :question: ,

« les ressources en uranium ne sont pas eternelles... ce n'est pas une ressource renouvellable. Tu ne parles pas de la sensibilisation des gouvernements à ce fait. »

C'est-à-dire, l’importance de sensibiliser les citoyens, ou l’importance de la prise en compte de cette notion par les gouvernements?

Au sujet de des pressions politiques avec Areva et le site de Coutras, je ne connaissais pas. Il est vrai que la France ne possède plus de mine d’uranium en activité aujourd’hui. J'imagine qu'Areva n’a pas très envi de se lancer dans un combat contre tout les opposants à l’ouverture d’une exploitation. Le nucléaire n’est pas encore totalement accepté par les gens, surtout avec toutes les questions environnementales que cela implique. Dans l’avenir, avec la demande croissante en énergie et les normes de réductions de CO2 feront que, peut-être, ce potentiel sera exploité.

Pour les autres ressources naturelles en uranium, je pense que j’en ai oublié beaucoup dans le rapport. En effet, l’uranium est souvent un sous-produit d’exploitation d’autres minerais. Le cas des phosphates marocains est intéressant, c’est lors de la transformation en acide phosphorique que l’uranium est extrait. D’ailleurs Areva a signé un contrat en 2007 avec un producteur de phosphate marocain et a estimé des ressources à 6 Mt [2].

Je suis tombé sur une page web intéressante qui parle de l’avenir du phosphate, donc de l’uranium en tant que son sous-produit. Dans l’avenir, une « augmentation du coût de l’énergie (pétrole en particulier) entraînera une diminution de la demande de ces engrais et donc de la production de phosphates, ce qui réduira d'autant les possibilités d'extraction de l'uranium » (ref. [3], § 8 et 9,).

Pages web sur les phosphates :

[1]Uranium Recovery from Phosphates : http://www.wise-uranium.org/purec.html

[2] Areva to study feasibility of uranium extraction from phosphates in Morocco : http://www.wise-uranium.org/upafr.html#MAGEN

[3] L'uranium des phosphates : http://futura24.site.voila.fr/nucle/uranium_phosphate.htm

à+ :question:

Lilian

Posté(e)

Bonjour

Pour répondre à quelques remarques : à notre échelle, les ressources en uranium sont éternelles si on utilise les bonnes technologies, à savoir des réacteurs nucléaires surgénérateurs qui convertissent U238 en plutonium fissile, ce qui multiplie le potentiel énergétique de l'uranium naturel par environ 80. Les 200000 tonnes d'uranium appauvri qu'on a sur étagère en France couvriraient nos besoins pendant plus de 2000 ans, une fois convertis en plutonium.

J'en viens à une question qui m'intrigue beaucoup et pour laquelle je n'ai jamais trouvé de réponse convaincante :

Le "Red book" de l'AIEA, et la littérature qui en dérive, évalue et classe toujours les réserves en fonction d'un coût d'extraction, avec des seuils à 40$, 80$, 130$, mais je n'ai jamais pu mettre la main sur une évaluation des ressources en fonction de la concentration.

Est-on capable d'évaluer les ressources en uranium avec une concentration supérieure à 200 ppm, 100 ppm, 50 ppm, etc. ?

Je cherche également des informations sur le coût énergétique de l'extraction en fonction de la concentration, pour calculer un EROEI, et donc la concentration minimale théoriquement exploitable.

A+

Posté(e)

La teneur minimale exploitable varie tous les jours. Tout cela est fonction de beaucoup de parametres: cours de l'uranium, exploitation CO / sous-terraine, cout du carburant, cout de la main d'oeuvre, legislation environnementale dans le pays ou est exploite le gisement.

Les producteurs peuvent donner des chiffres de reserves, mais pour les ressources, c'est tres subjectif. En abaissant les teneurs de coupure, c'est sur qu'on peut arriver a des tonnage enormes. Pour un chiffre de ressource (donc ce n'est pas dit que ce soit exploitable) c'est realiste seulement sur une enveloppe mineralisee donnee. Sans controle des methodes de calcul, on ne connait rien de l'uniformite des chiffres, on risque donc d'additionner des pommes et des oranges... Ces chiffres ne veulent plus dire grand chose a l'echelle mondiale...

Posté(e)

Bonjour

Merci pour ces indications, cela me permet de préciser un peu ma question.

Je pense que l'évaluation en fonction d'un coût économique est pertinente tant que l'EROEI est très supérieur à 1 (rapport entre l'énergie investie dans l'extraction et l'énergie récupérée par la fission), mais qu'il faut s'intéresser de plus près au coût énergétique quand l'EROEI tombe en dessous de 10 par exemple.

Cela doit de toute façon se répercuter indirectement sur le coût économique, mais un paramètre physique comme l'EROEI, même s'il dépend aussi des technologies utilisées, me parait plus fiable pour évaluer des réserves ultimes, que des conditions économiques très variables dans le temps (que représente "80$" pour un européen, alors que le cours $/EUR peut varier d'un rapport 2 en quelques années ?).

Ca doit certainement dépendre des roches, mais d'un autre côté, il m'a semblé comprendre que le nombre de types de minéraux desquels ont extrait l'uranium est finalement assez limité, 14 je crois.

Suivant la concentration, les procédés varient, mais quand on arrive aux faibles concentrations, 200 ppm ou moins, qui devraient correspondre aux réserves les plus importantes, il doit y avoir un procédé optimal ("in situ leaching ?", dissolution acide).

Il serait donc intéressant de connaitre le coût énergétique du procédé utilisé pour exploiter les concentrations les plus faibles, sur les minéraux les plus répandus, et les ressources correspondantes.

J'ai vu quelques chiffres de concentrations de coupure énergétique, assez anciens, variant entre 20 ppm pour les plus optimistes, à 200 ppm pour les pessimistes, mais sans aucune justification ni évaluation des ressources correspondantes.

La condition EROEI>10 (par exemple), fonction de la concentration, pourrait permettre d'estimer les ressources théoriquement convertibles en réserves lorsque les conditions économiques sont optimales.

Ces informations sont très rares et fragmentaires pour l'uranium, alors qu'on les trouvent bien pour le pétrole (on a des estimations d'EROEI des puits du Moyen-Orient, très favorable, ou des sables bitumeux du Canada, où l'EROEI peut tomber à 3 par exemple).

Tout cela peut éventuellement avoir quelque incidence sur des décisions politiques à long terme et des choix d'options technologiques sur les réacteurs nucléaires.

Salutations

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