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Fossiles | Une tribune pour sauver leur libre ramassage aux Vaches Noires (Normandie).
Les Vaches Noires sont les falaises en bord de mer situées entre Villers-sur-Mer et Houlgate dans le Calvados, en Normandie, France. La paléontologie normande est menacée.
 
:treve: Partagez ce message sur les réseaux sociaux svp .
 
> Si vous souhaitez signer la Tribune, envoyez un courriel à Laurent Picot du Paléospace avec nom, prénom et qualité l.picot@paleospace-villers.fr
 
:sourire: Sauvons la liberté de collecte des fossiles !
 
En France, la collecte des fossiles par des amateurs est une pratique ancestrale. C'est cette pratique qui a permis le développement de la paléontologie en France, au 18ème siècle, notamment grâce aux fossiles récoltés au pied des falaises des Vaches Noires, à Villers-sur-Mer, en Normandie.
 
C’est, d’ailleurs, à Villers-sur-Mer qu’a été découvert le premier dinosaure français. C’est aussi là qu’a été créé, en 2011, un Musée de France qui fédère désormais les plus grands noms scientifiques de la paléontologie française, aussi bien que les collectionneurs amateurs et les habitants : le Paléospace. Un musée dont le succès s’est à nouveau confirmé en 2023, avec 71 288 visiteurs annuels, en progression de 5%.
 
Cette réussite exceptionnelle, qui unit paléontologues, amateurs et habitants, au service de la science, est pourtant menacée.
L’Etat souhaite, en effet, mettre en place sur le site une Réserve Naturelle Nationale (RNN). Ce projet est louable et nécessaire. Mais le problème est que le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) et le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de Normandie (CSRPN) ont demandé, et obtenu, qu’il prévoit une interdiction de la collecte des fossiles par des amateurs.
 
Aucun paléontologue n’a été consulté. Sinon, il aurait pu expliquer que, contrairement aux autres RNN qui sont actuellement mises en place en France, le site des Vaches Noires présente la spécificité d’être… en front de mer. Il subit, donc, en permanence les assauts des marées et l’érosion. Il faut savoir qu’au total, 450 000 tonnes de sédiments se déversent chaque année sur l’estran. Dans ces conditions, si les fossiles ne sont pas rapidement collectés, la grande diversité de faune et de flore du Jurassique est emportée par la marée et définitivement perdue.
 
Les paléontologues n’ont absolument pas les moyens de gérer un tel flux, sans l’aide des collectionneurs amateurs. Comme l’atteste un exemple récent. Le 3 décembre 2023, une collectionneuse a découvert un crâne de poisson, bien conservé et inédit, sur le site des Vaches Noires. Pour sauvegarder le reste de ce précieux fossile, il lui a fallu agir vite et alerter d’autres amateurs, pour qu’ils viennent en renfort. Le résultat a dépassé toutes nos espérances : 3 autres parties du corps du poisson ont été retrouvées. Le spécimen a ensuite rejoint les collections du musée, permettant aux visiteurs d’en bénéficier. Une étude est prévue en 2025, par des paléontologues professionnels. Ici, particulièrement, « collecter, c’est protéger ! ».
 
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Les habitants de la région sont tout à fait conscients de ces enjeux. Ils font corps autour de « leur » Paléospace. Au total sur ce sujet, 91% des contributeurs à l’enquête publique – un chiffre particulièrement élevé – se sont prononcés pour la conservation de la libre collecte.
 
Bénévoles, attachés à ce patrimoine, dotés d’un sens aigu de l’observation, après souvent 20, 30 ou 40 années de pratique, par tous les temps, et même principalement l’hiver après les tempêtes, les collectionneurs amateurs accroissent leurs connaissances au contact des paléontologues professionnels. Ils se forment et ils passent le relais aux générations suivantes. A qui ils transmettent leur passion.
 
Depuis la création du Paléospace, les dons affluent. Les spécimens qui le nécessitent sont examinés par un comité scientifique. Au total, 40 études ont été réalisées à Villers-sur-Mer, en 12 ans, dont 10 ont abouti à des publications avec comité de lecture et dans d’importantes revues scientifiques, comme le Scientific Report ou Geodiversitas. Parmi les spécimens étudiés, 100% proviennent des collectionneurs amateurs. Quel meilleur exemple de pédagogie, au service de la connaissance ? Quel plus bel exemple de culture populaire pour un Musée de France, placé sous l’égide du Ministère de la Culture ?
 
Voici l’histoire qui se perpétue à Villers depuis trois siècles.
 
La libre collecte des fossiles permet l’essor des connaissances, l’attractivité pour les sciences, le développement de vocations, l’émerveillement des visiteurs devant les grands animaux et la flore qui nous viennent d’un lointain passé. Et, enfin, la sensibilisation des générations futures à la préservation de notre planète.
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Après des mois passés à tenter d’alerter, en vain, les pouvoirs publics, nous demandons aujourd'hui au gouvernement de prendre position.
 
La décision d’inscrire la libre collecte des fossiles au pied des falaises des Vaches Noires, berceau de la paléontologie française, dans le futur décret de mise en place de la RNN du Calvados serait une mesure sérieuse et réfléchie, tenant compte de la spécificité locale.
 
Il faut souligner que sur la côte anglaise, classée UNESCO, au lieu d’une interdiction brutale de la collecte, un simple code de conduite a été mis en place, qui permet la récolte des fossiles à la satisfaction générale - des scientifiques, des musées, des amateurs et du public. Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui fonctionne ?
 
La paléontologie est l'un des piliers de notre culture populaire. Nous le constatons tous les jours, dans les yeux des enfants qui, en classe ou en famille, découvrent les collections de nos musées. C'est en leur nom que nous écrivons aujourd'hui.
 
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> Si vous souhaitez signer la Tribune, envoyez un courriel à Laurent Picot du Paléospace avec nom, prénom et qualité : l.picot@paleospace-villers.fr
> Collecter, c'est protéger = www.paleospace-villers.fr/collecter_c_est_proteger
 
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La paléontologie et géologie de Normandie sont menacées aux Vaches Noires, falaises en bord de mer situées entre Villers sur Mer et Houlgate dans le Calvados, en France. Aidons les scientifiques, les amateurs, les naturalistes et nos enfants !
Posté(e)

Ici l'avis des paléontologues professionnels de l'Association paléontologique française, sise au Museum d'Histoire naturelle à Paris :

 

Objet : projet de création d’une Réserve Naturelle Régionale (RNN) des falaises du Calvados

 

A qui de droit L’Association paléontologique française (APF) est une association type Loi de 1901 créée en 1979 qui réunit des paléontologues (professionnels pour la plupart mais aussi « amateurs » et étudiants de 3ème cycle) de langue française, dont le but est de promouvoir la Paléontologie et de faciliter la communication entre les paléontologues.

 

En tant qu’entité fédératrice nationale (et même internationale puisqu’elle compte en son sein des membres francophones non français), l’APF se doit de participer à la discussion concernant le projet de création d’une Réserve Naturelle Nationale (RNN) sur la côte du Calvados, notamment en ce qui concerne les clauses relatives au patrimoine paléontologique du projet.

 

Tout d’abord, l’APF déplore le fait qu’aucune concertation avec les principales autorités compétentes pour donner un avis éclairé, tant localement que nationalement, n'ait été faite en amont de l’élaboration du projet.

 

Il est regrettable que l'ensemble des acteurs concernés (paléontologues professionnels et amateurs, musées, universités, associations, etc.) et qui œuvrent concrètement au quotidien à la mise en valeur de ce patrimoine par sa découverte, son étude scientifique, sa conservation et sa valorisation, n’ait pas été mis dans la boucle des réflexions et des discussions.

 

L’APF ne remet pas en cause la création d’une RNN qui permettra de préserver tant les magnifiques paysages que la biodiversité tout le long de cette côte normande. Cependant, dans le cadre réglementaire prévu pour cette RNN, qui englobe dans son périmètre plusieurs sites paléontologiques de référence tels que les falaises des Vaches Noires, le stratotype de SaintHonorine-des-Pertes ou encore la réserve naturelle de Cap-Romain, l’APF n’adhère pas à la clause interdisant le « ramassage des fossiles et minéraux détachés sur le domaine public maritime » (sauf dérogations préfectorales).

 

Cette mesure excessive et non pertinente est en effet contradictoire et contraire à la philosophie d’une réserve naturelle, dont le rôle est de préserver l’intégrité du patrimoine géologique. Quelques rappels et mises au point s’imposent afin de bien cerner les problèmes soulevés par cette clause. 2

 

Rappelons tout d’abord que la plupart des gisements inclus dans le périmètre de la RNN se situent en bord de mer où aucune fouille n’est possible de part l’action perpétuelle des marées. Seule la récolte sur la plage de fossiles détachés de leur gangue est possible, ce qui implique une réactivité immédiate et sans contrainte de la part du découvreur. Interdire le ramassage libre et spontané des fossiles soumis à érosion est en tous points contreproductif et revient à condamner ce patrimoine à disparaitre : soit les fossiles seront détruits par les marées (si la loi est appliquée et qu’ils sont laissés sur place en attendant les dérogations), soit ils ne seront pas/plus signalés aux Institutions et scientifiques concernés, par peur de se mettre « hors la loi » (si la loi n’est pas respectée et qu’ils sont ramassés). Avec, dans ce dernier cas, la dérive toujours possible de l’établissement d'un marché parallèle où les fossiles circuleront sous le manteau et où, ni les scientifiques, ni les institutions locales, ne verront plus aucune découverte. Ceci sonnerait le glas de 2 siècles de pratique paléontologique en ces lieux.

 

Rappelons à ce sujet qu’il existe depuis le 19ème siècle une grande tradition paléontologique sur ce littoral normand et que la majorité des récoltes a été faite de manière fortuite, très souvent par des paléontologues « amateurs », parfois même par de simples promeneurs ! Ces ramassages ont depuis 200 ans permis la constitution et l’enrichissement de nombreuses collections, tant privées que publiques, au niveau régional (Caen, Le Havre, Villers-sur-Mer, etc.) mais aussi national (MNHN de Paris par ex.) et même international. Depuis deux siècles également, la découverte de très nombreux et intéressants restes fossiles a généré une grande partie des études scientifiques dans la région (pour le seul site des Vaches-Noires cela représente autour de 300 publications, soit environ deux par an depuis la moitié du 19ème siècle !).

 

En parallèle, ces collectes ont été la base pédagogique fondamentale aux camps de terrains et enseignements des universitaires de la région, propres à susciter - par le plaisir de la découverte et le respect de ce patrimoine - des vocations parmi les générations d’étudiants qui se sont succédées. Rappelons que les collections privées, quelles qu'elles soient (scientifiques, artistiques, etc.), constituent une part non négligeable des fonds des musées publics. L’application de cette clause signerait également la fin des collections privées accessibles dans la région. En œuvrant à tisser des relations de confiance avec les paléontologues amateurs, plusieurs institutions publiques ont été et sont toujours les dépositaires d’importantes collections privées. C’est le cas de nos jours par exemple pour le Paléospace (label Musée de France) à Villers-sur-Mer, qui a pu récupérer ces dernières années plusieurs importantes collections privées. Mais ceci était également valable pour les collections anciennes conservées à l’Université de Caen et au Musée du Havre, dont la plupart hélas ont été détruites lors des bombardements alliés de la 2ème guerre mondiale.

 

En interdisant ces ramassages spontanés, on empêche de facto la régénération des collections des divers musées de la région… Rappelons également que cette tradition paléontologique a généré une forme de tourisme cultivé qui participe au dynamisme de l’économie locale. 3 Dès l’avènement au 19ème siècle des villégiatures balnéaires, un public de curieux et d’érudits, inconnus ou célèbres, est venu profiter tant du magnifique paysage et des bains de mer que des richesses paléontologiques de la région. Pour ne citer que les exemples les plus marquants, Georges Sand récolta régulièrement aux Vaches-Noires des fossiles qui sont toujours conservés dans sa maison-musée de Nohant, et Gustave Flaubert y situa une partie de l’intrigue de son roman Bouvard et Pécuchet.

 

De nos jours, cet engouement n’a pas disparu et de nombreux touristes reviennent régulièrement dans la région avec le même engouement qu’au 19ème siècle. Rappelons finalement que de l’autre côté de la Manche, dans le Dorset, un accord intelligent et intégratif a été trouvé afin de préserver un patrimoine paléontologique comparable. Le cadre novateur de la « Jurassic Coast » (classée au patrimoine mondial de l’UNESCO) permet à toutes les parties concernées (paléontologues professionnels et amateurs, institutions et autorités locales) de travailler - suivant un code de conduite établi de manière collégiale (voir lien cidessous) - à la mise en valeur et à la conservation du patrimoine local. https://jurassiccoast.org/wp-content/uploads/2015/10/West-Dorset-Fossil-Collecting-Code-of-Conduct.pdf (Traduction française: https://drive.google.com/file/d/1X-XTphL5HDG2Xu4zkSiqoMugdx_RTjnB/view?usp=sharing)

 

À l’instar de nombreuses autorités et institutions tant régionales que nationales, l’APF souhaite donc alerter les autorités compétentes sur le danger d’une telle mesure et suggère, dans une démarche de concertation constructive et raisonnée, les propositions suivantes :

1) L’abandon de la clause interdisant le ramassage des fossiles et son remplacement par la possibilité d’une collecte permanente, ouverte à tous et sans contrainte, des fossiles détachés par érosion et se trouvant sur la plage ;

2) La consultation de l’ensemble des parties concernées et compétentes pour éclairer le sujet (paléontologues professionnels et amateurs, musées, universités, associations, etc.), tant locales que nationales, afin d’arriver à un compromis donnant satisfaction à tous les acteurs impliqués dans la récolte, l’étude, la préservation et la valorisation de ce patrimoine.

 

Pour conclure, c’est en éduquant, sensibilisant et responsabilisant le public (et non en interdisant), tout en suscitant des vocations chez les plus jeunes qui seront plus tard les garants de son étude et de sa conservation, que ce patrimoine normand exceptionnel sera valorisé et qu’il contribuera à la pérennité tant du rayonnement scientifique que du dynamisme économique de la région.

 

En vous remerciant par avance pour l’intérêt que vous porterez à notre sollicitation, je vous prie d’agréer, Madame / Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

 

Dr. Nathalie BARDET Directrice de Recherche au CNRS, Présidente de l’APF.

 

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Posté(e)

Paléontologue au Muséum National d’Histoire Naturelle et spécialiste des dinosaures, j’ai eu le privilège de pouvoir travailler pendant ma thèse sur les dinosaures du Jurassique de Normandie. Parmi le matériel à ma disposition, les premiers restes de dinosaures décrits scientifiquement par Georges Cuvier en 1800, ceux du dinosaure carnivore Streptospondylus altdorfensis, découvert aux Vaches noires, et qui appartenaient à une collection initialement constituée par l’Abbé Bachelet dans les années 1770. A cette collection historique est aussi venue s’ajouter celle de Félix de Roissy.


Ces collections patrimoniales que j'ai eu à gérer pendant plus de vingt ans ont le point commun d’avoir été récoltées suite au travail régulier et répétitif de prospection de paléontologues « amateurs ». Ce travail ne peut être actuellement mis en place par aucune équipe scientifique, faute de moyens humains et de proximité aux gisements. Ce sont donc ces mêmes amateurs qui continuent à récolter et, parfois, à céder leurs collections aux musées comme Le Paléospace de Villers-sur Mer, ou le MNHN (cf. Monvoisin et al. 2022. New data on the theropod diversity from the Middle to Late Jurassic of the Vaches Noires cliffs (Normandy, France). Geodiversitas, 44(12), 385-415). Empêcher la collecte de fossiles sur l’estran en face des Vaches Noires, n’aboutirait donc qu’à une perte sèche du point de vue scientifique et patrimonial. Sans fossiles plus de nouvelles connaissances scientifiques, ni d’accroissement des collections. Ces fossiles seraient par ailleurs irrémédiablement perdus, puisque non récoltés et érodés/emportés par la marée.

 

ALLAIN Ronan (12 septembre 2022)

Posté(e)
L'interdiction de ramassage des fossiles sur l'estran dans le cadre de la création de la réserve naturelle nationale des falaises jurassiques du Calvados me parait extrêmement contre-productif pour les raisons exposées ci-dessous :
 
- Les fossiles non collectés seront détruits par l'action des marées, ce qui paraît étrange pour un projet visant à la protection de notre patrimoine paléontologique.
 
- Cette interdiction conduira à une dégradation notable des relations entre paléontologues amateurs et paléontologues professionnels. Or une collaboration extrêmement fructueuse s'est mise en place au cours des années entre ces deux communautés, aidé en cela par le rôle de relais des musées de proximité tels que le Paléospace à Villers-sur-Mer. Les professionnels ne sont plus assez nombreux et n'ont plus les moyens nécessaires au suivi des sites paléontologiques sur le territoire national. Ce suivi est donc assuré en grande partie par des amateurs qui communiquent leurs découvertes aux professionnels, souvent par le biais de musées locaux. Les fossiles d'intérêt scientifiques sont ainsi donnés à des collections publiques et publié dans des revues nationales ou internationales. Les articles scientifiques ainsi produits sont de plus souvent cosignés par des amateurs et des professionnels, renforçant ainsi les liens entre les deux communautés (voir un exemple en pièce jointe). Au final l'interdiction de ramassage sur l'estran conduira donc :
a) à une baisse de la production scientifique;
b) à la fragilisation du rôle ô combien important des musées locaux dans les relations entre professionnels et amateurs;
c) à une baisse notable du nombre de fossiles récoltés et déposés dans des collections publiques.

 
- Enfin, l'interdiction de ramassage aura un impact négatif sur la sensibilisation du public à la protection de notre patrimoine scientifique. Encore étudiant en thèse, j'ai eu la chance de guider de nombreux groupes de touristes dans des excursions le long de l'estran des Vaches Noires. Ces excursions étaient l'occasion pour des personnes souvent peu familières avec les fossiles de découvrir leur premier fossile et de prendre conscience de leur valeur. De plus, ces visites étaient l'occasion de collecter de nombreux fossiles sous le contrôle d'un professionnel qui pouvait donc remarquer tout fossile d'importance scientifique et en assurer le don à une collection publique. Ces excursions sont également l'occasion de faire naître des vocations auprès d'un jeune public. L'interdiction de ramassage le long de l'estran rendra impossible l'organisation de telles activités et réduira drastiquement le lien entre le public et son patrimoine géologique, ce qui est à mon sens extrêmement regrettable.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que je recommande instamment que cette mesure soit totalement abandonnée dans le projet de création de la réserve naturelle nationale des falaises jurassiques du Calvados.

 
Gilles Cuny, Professeur de paléontologie à l'Université de Lyon.

 

 

Posté(e)

Directrice de Recherche au CNRS, paléontologue spécialiste de reptiles marins de l'Ere Secondaire, je connais la côte normande et plus spécialement le site mondialement connu des Vaches-Noires depuis 1991. Permettez-moi - avec l’exemple concret de ce gisement phare - d’évoquer une situation qui s’applique en fait à l’ensemble des sites côtiers qui seront inclus dans le périmètre du projet de Réserve Nationale Naturelle des falaises du Calvados.

 

En 1991, alors en thèse de 3ème cycle à l'Université Pierre et Marie Curie (Paris 6), j'ai été employée quatre étés de suite comme guide pour faire visiter la falaise des Vaches-Noires et expliquer, tant sa formation que son contenu fossilifère aux touristes. Cette nouvelle activité était une initiative mise en œuvre conjointement par l'APVSM et la Mairie de Villers-sur-Mer. Je fus d'ailleurs la première à "essuyer les plâtres" en effectuant la toute première visite, en présence de Mme la Députée Nicole Ameline et du Maire de Villers-sur-Mer de l’époque !

 

Ce fut un grand succès ! Depuis cette lointaine époque en effet, l’engouement pour les activités paléontologiques à Villers-sur-Mer (mais également dans toute la région) n’a jamais faibli. Il suffit de regarder les nombreuses activités proposées annuellement, qu’il s’agisse des visites des Vaches-Noires, des activités variées proposées tant par le Paléospace que par l’APVSM et qui incluent l’invitation de conférenciers, l’organisation de congrès, etc., pour s’en convaincre.

 

Mais cette activité paléontologique dans la région est en fait beaucoup plus ancienne. Les Vaches-Noires sont en effet un site paléontologique de référence, reconnu dans le monde entier pour sa richesse, tant en restes d'invertébrés et de vertébrés fossiles d'âge Jurassique moyen-supérieur (autour de 150 millions d'années). Connu depuis la fin du 18eme siècle, le site a connu son "Âge d’or" au 19ème siècle, avec la naissance du tourisme balnéaire. Et au 20ème siècle, l'intérêt de la paléontologie locale n'a pas faibli grâce à l'action de nombreux paléontologues amateurs, réunis dans l'APVSM sous l'impulsion dynamique de Mr. et Mme Charles et de leurs successeurs, ainsi que des nombreux scientifiques, tant de la région normande que d'ailleurs, qui ont assuré la publication des découvertes paléontologiques et de la géologie locale.

 

Une des caractéristiques majeures de ce site (et de tous ceux inclus dans le périmètre du projet de RNN situés sur la côte du Calvados) est que la majeure partie des fossiles a été découverte par des paléontologues amateurs, voire de simples promeneurs, la plupart du temps de manière fortuite ! Pourquoi cette situation ? Tout simplement car ces sites sont soumis à l’action des marées et qu’on ne peut donc de facto (ou CQFD, comme vous voulez) pas y faire de fouilles mais seulement des récoltes rapides à marée basse.

 

Depuis cette lointaine époque également, je suis devenue une habituée de Villers-sur-Mer et de sa falaise des Vaches-Noires, tant d'un point de vue personnel (j'y passe souvent quelques jours de vacances l'été) que professionnel :
1) je fais partie du comité scientifique du Paléospace depuis sa création et collabore régulièrement avec ses membres ;
2) j'ai été invitée plusieurs fois par l'APVSM à faire une de leurs conférences estivales et à les accompagner lors de sorties aux Vaches-Noires ;
3) j’ai tissé des liens amicaux et collabore régulièrement avec plusieurs paléontologues amateurs de la région, tant pour l'expertise de certaines de leurs découvertes que pour la publication d'autres (voir bibliographie ci-dessous).

 

La création d’une Réserve naturelle est toujours intéressante afin de préserver faune, flore et paysages locaux de l’action destructrice de l’homme. Mais dans le cas présent, la clause stipulant "l’interdiction de ramassage des fossiles et minéraux détachés sur le domaine public maritime (sauf dérogations préfectorales)" contredit totalement la philosophie de "conservation de l’intégrité du patrimoine géologique" de toute Réserve naturelle. Cette clause, dénuée de bon sens au vu de la situation bien particulière que constitue ces falaises en front de mer énoncée ci-dessus, est au contraire en contradiction avec ce principe de base et s’avèrera totalement contreproductif : en empêchant la récolte libre, spontanée et ouverte à tous des fossiles se trouvant sur la plage, ces derniers seront, soit détruits par les marées et l’érosion côtière (si on les laisse sur place et qu’on attend les dérogations…), soit non signalés aux autorités et scientifiques concernés (si on les ramasse mais qu’on n’a pas envie d’être accusé de recel et autre activité illégale…). Cela peut même amener à la création d’un trafic de fossiles local qui n’existe pas actuellement.

 

En clair, ni les scientifiques concernés, ni les institutions de conservation et de valorisation du patrimoine tel que le Paléospace (mais aussi l'Université de Caen, les musées du Havre et de Rouen, etc.), ne verront plus aucun fossile issu de cette côte du Calvados. Comme "philosophie de conservation", on peut rêver mieux…

 

Comme beaucoup de paléontologues professionnels et amateurs, ma passion pour cette discipline scientifique m’est venue enfant, par la découverte et la récolte de coquillages fossiles. Ce sont eux qui m’ont faite rêver et ouvert les portes de ces "mondes révolus" si chers à Georges Cuvier. Ce sont eux qui depuis l’âge de 7-8 ans m’ont fait "tenir le cap" pour que cette passion d’enfant devienne mon métier. Me suis-je mise hors la loi en récoltant enfant ces quelques coquilles ? Serai-je devenue paléontologue si je n’avais pas eu cette double possibilité de les trouver et de rêver dessus ?

 

Je m’oppose donc fermement à la clause paléontologique de ce projet en demandant que :
1) L'interdiction du ramassage des fossiles détachés sur la plage soit remplacée par une clause plus adaptée et intelligente autorisant une récolte raisonnée des spécimens présents sur la plage, ouverte à tous, en toute circonstance ;
2) Les autorités compétentes en la matière (paléontologues professionnels et amateurs, associations, institutions locales de conservation, de formation et de divulgation des savoirs, etc.) soient consultées. Cela n’a pas été fait en amont du projet… Comment pourrait-on ainsi prendre ce projet au sérieux – au moins pour son volet paléontologique - si les principales autorités compétentes et aptes à donner un avis éclairé sur le sujet n’ont pas été consultées ?

 

Rappelons finalement que la découverte, l’étude, la protection et la valorisation du patrimoine paléontologique (ou autre) passe par l’éducation et la sensibilisation à la valeur de ce patrimoine, non à l’interdiction d’y avoir accès…

 

Paléontologiquement votre,
Nathalie BARDET - Directrice de Recherche au CNRS
Centre de recherche en Paléontologie – Paris, Muséum National d’Histoire Naturelle.

 

Bibliographie personnelle sur le sujet :

BARDET N., PENNETIER E., PENNETIER G., CHARLES A. & CHARLES J. (1993). Des os énigmatiques à section triangulaire dans le Jurassique moyen (Callovien) de Normandie. Bulletin Trimestriel de la Société Géologique de Normandie et des Amis du Muséum du Havre, 80 (3-4) : 7-10.

BARDET N., PENNETIER G., PENNETIER E. & QUEROMAIN J. (1993). Présence du pliosaure Liopleurodon ferox SAUVAGE dans le Callovien de Villers-sur-Mer (Normandie). Bulletin Trimestriel de la Société Géologique de Normandie et des Amis du Muséum du Havre 80 (3-4) : 11-14.

BARDET N. (1993). Pliosaurs and plesiosaurs from the Middle Jurassic (Callovian) of Normandy. Revue de Paléobiologie, Genève, 7: 1-7.

BARDET N. (1996). Les plésiosaures du Callovien de Normandie. L'Echo des Falaises, Villers-sur-Mer, 2, 11-20.

VINCENT P., BARDET N., MATTIOLI E. & SUAN G. (2013). Un nouveau plésiosaure en Normandie (Calvados, France). L’Echo des Falaises, Villers-sur-Mer, 17 : 17-24.

BARDET N. (2014). Les ichthyosaures et les plésiosaures du Jurassique et du Crétacé des falaises des Vaches-Noires (Normandie, France). Fossiles, H.S. nº 4 : 98-104.

BARDET N. & BUFFETAUT E. (2018). Quand la Normandie était sous la mer. Les falaises jurassiques et crétacées des Vaches Noires. Espèces H.S. « Sites paléontologiques de France », 28 : 24- 31.

BARDET N. (2020). Les reptiles marins du Jurassique de Normandie des collections de Caen et du Havre détruites pendant la Seconde Guerre mondiale à la lumière des publications anciennes : que nous disaient-elles ? Actes du premier colloque de l’APVSM, « Paléontologie et Archéologie en Normandie », 5-6 octobre 2019. Bulletin de l’Association Paléontologique de Villers-sur-Mer, 1 : 41-48.

Posté(e)

L'avis d'un paléontologue :

En tant que paléontologue professionnel (CNRS) connaissant bien les côtes normandes et leurs sites fossilifères, je commenterai uniquement la partie du projet de réserve portant sur la collecte des fossiles, et en particulier le passage suivant, qui résume à lui seul les aspects négatifs du projet :


Une seule activité sur l’estran sera interdite. Il s’agit de l’extraction et du ramassage de fossiles et de minéraux.
Des dérogations pourront être appliquées aux opérations à visée scientifique et pédagogique conduites sous la responsabilité du gestionnaire soit dans le cadre du plan de gestion, soit dans le cadre de conventions avec des structures partenaires validées par le comité consultatif.

Ce point appelle diverses remarques :

1) Comment peut-on espérer préserver en favorisant la destruction ?

La problème posé par cette proposition est évident : les fossiles dégagés des roches des falaises par l’érosion naturelle (pluie, circulations d’eau, vagues, marées) sont voués à une destruction inévitable, à assez court terme, s’ils ne sont pas ramassés. Interdire le ramassage revient donc à favoriser la destruction d’un patrimoine naturel et scientifique inestimable. Il existe donc une contradiction fondamentale entre l’objectif louable de protection de ce patrimoine et le projet d’interdiction de collecte. Les éventuelles dérogations ne permettraient en rien de résoudre le problème (voir plus bas).

2) La collecte des fossiles dans le contexte de falaises en cours d’érosion pose des problèmes particuliers

Il est clair qu’il n’est généralement pas souhaitable d’extraire les fossiles des falaises elles-mêmes, et d’ailleurs cette pratique est déjà interdite. La collecte de fossiles détachés par l’érosion est en revanche le seul moyen d’empêcher leur destruction. Compte tenu de la quantité de fossiles ainsi détachés et de l’ampleur des sites concernés, cette collecte ne peut absolument pas se faire uniquement à la faveur de « dérogations » (accordées suivant quels principes, à qui ?). Il est difficile aussi d’imaginer que puisse être recruté un nombre suffisant de paléontologues compétents pour assurer le « sauvetage » de tous les fossiles quotidiennement mis au jour par l’érosion sur l’étendue considérable des falaises incluses dans le projet de réserve – c’est tout simplement impossible. La seule façon de permettre un sauvetage efficace des fossiles en danger de destruction est de permettre la collecte au plus grand nombre possible de collecteurs. Cela implique qu’elle ne peut être réservée aux seuls paléontologues professionnels, beaucoup trop peu nombreux pour réaliser des collectes efficaces. Le rôle des amateurs est prépondérant à cet égard. L’emploi du terme « pillage » dans le texte de présentation est d’ailleurs malencontreux. Il peut exister des cas de pillage, mais ils ne sont pas fréquents (et s’ils existent il faudrait les documenter sérieusement).
Il est évident pour quiconque possède quelques notions de géologie que les différents sites naturels méritant une protection posent des problèmes différents en fonction de la géologie, du climat, de l’environnement général. Par exemple, vouloir appliquer exactement les mêmes règles à des formations géologiques continentales à l’intérieur des terres sous un climat méditerranéen et à des formations marines en bordure de mer sous un climat océanique est absurde. Le système de dérogation envisageable (éventuellement – il y aurait fort à dire sur ce point !) pour des gisements de vertébrés fossiles en Provence ne peut simplement pas s’appliquer à la récolte de fossiles au pied des falaises du Calvados, où il est pratiquement impossible de planifier des récoltes, car la mise au jour des fossiles par l’érosion est aléatoire.

3) Importance des collections d’amateurs pour la recherche paléontologique et les musées

Il est important de souligner l’importance des récoltes des amateurs pour la recherche paléontologique. J’ai eu l’occasion depuis une quarantaine d’années de décrire, dans diverses publications, un nombre assez importants de restes de vertébrés fossiles (ichthyosaures, crocodiles, dinosaures, ptérosaures) provenant du Jurassique et du Crétacé des falaises de Normandie (Calvados et Seine-Maritime). Tous, sans exception, avaient été découverts par des amateurs, et ils sont aujourd’hui dans des collections publiques. Mon cas n’est évidemment pas isolé.
Des études récentes, notamment celles de Lucie Plançon lors d’un stage au Paléospace, sur les pratiques des amateurs montrent qu’en général les collections privées finissent par parvenir dans des musées ou autres collections publiques. Les collections de fossiles provenant des falaises du Calvados qui sont présentes dans de nombreux musées, en France et ailleurs, étaient, pour leur grande majorité, à l’origine des collections privées réalisées par des amateurs, et à l’heure actuelle c’est par l’acquisition (via dons ou achats) de collections privées que les musées augmentent leurs collections. Pour ne citer que des exemples normands, c’est le cas notamment des musées de Villers, du Havre, d’Elbeuf...
Il est donc évident qu’une interdiction faite aux amateurs de récolter des fossiles aurait des conséquences désastreuses tant pour la recherche paléontologique que pour l’enrichissement des collections des musées. Souhaite-t-on que la collecte des fossiles devienne une activité punie par la loi, et qu’un marché noir se développe à partir de récoltes devenues illégales ?

4) Le projet d’interdiction de collecte est-il anti-scientifique et anti-musées ?

On peut donc s’interroger sur les motivations du projet d’interdiction, dont la justification n'apparaît pas dans le document. Au-delà du plaisir assez pervers d’interdire, elles paraissent pour le moins obscures, notamment quand on considère que toutes les autres activités traditionnelles sur l'estran resteront autorisées. Les conséquences inévitables de ce projet seraient contraires au progrès de la science paléontologique et au développement des musées. Est-ce délibéré ? On peut se poser la question. Suivant des informations fiables, une personne défendant l’interdiction de collecte serait allée jusqu’à traiter les musées possédant des collections paléontologiques de « receleurs ». Si le fait est avéré, il est extrêmement grave car il témoigne d’un obscurantisme anti-scientifique inquiétant. Les collections des musées sont indispensables à la recherche paléontologique tout autant qu'à l'éducation du public. Y aurait-il donc derrière le projet d’interdiction de collecte des fossiles des intentions anti-scientifiques motivées par une conception dévoyée de la protection du patrimoine ?

5) Les aspects éducatifs sont-ils pris en compte ?

De nombreux contributeurs au débat soulignent l’aspect éducatif de la recherche des fossiles. La découverte de l’histoire de la Terre et des êtres vivants passe souvent, notamment chez les enfants, par la collecte de fossiles. L’interdiction est donc vue comme un obstacle à la découverte de la nature, et les « dérogations » à but éducatif mentionnées dans le projet n’y changeront rien, avec leur côté bureaucratique à l’opposé d’une certaine liberté de se cultiver par soi-même. On s’attaque là à un passe-temps instructif qui, répétons-le, a pour conséquence la préservation d’un patrimoine, non sa destruction. A une époque où il est souvent question de science participative, interdire au plus grand nombre (à tout le monde, en fait) l’accès à un aspect facilement accessible de la culture scientifique est pour le moins paradoxal. Un des rôles de la réserve devrait être d'aider les collectionneurs à identifier et mettre en valeur les fossiles qu'ils récoltent, et de les inciter à se rapprocher des musées pour assurer la pérennité de leurs collections, et certainement pas de mettre en œuvre une politique d'interdiction aveugle.

6. La collecte des fossiles en tant que tradition culturelle locale

On peut aussi faire remarquer que cet aspect « grand public » de la collecte des fossiles est bien établi au long des côtes normandes depuis deux siècles au moins. Ces deux siècles de récolte de fossiles n’ont évidemment pas conduit à la destruction du patrimoine paléontologique, ils l’ont préservé, comme en témoignent les collections des musées. Il est très discutable de parler (comme cela est le cas dans le document) d’une « pression » sur ce patrimoine, d’abord parce qu’il n’y a à ce sujet aucune étude quantitative (comme le reconnaît le document), et aussi parce que la pression n’était certainement pas moins forte autrefois. On peut même faire remarquer que les marchands de fossiles des stations balnéaires de la côte normande, mentionnés dans de nombreux guides touristiques au XIXe siècle, n’existent plus, ce qui suggère que la « pression » (en tout cas mercantile) a diminué plutôt qu’augmenté.
La collecte des fossiles sur la côte normande a ses lettres de noblesse, via notamment la littérature. Et il est ironique d’imaginer George Sand, de nos jours, finissant entre deux gendarmes pour avoir ramassé une ammonite au pied des Vaches Noires...


6) Y a-t-il eu concertation préalable ?

On peut remarquer que l’interdiction de collecte des fossiles, telle qu’elle est présentée, dans le projet, ne fait l’objet d’aucune justification sérieuse et étayée. On interdit pour le plaisir d’interdire, semble-t-il. Cela mène à s’interroger sur la façon dont le projet a été conçu. Il ne semble pas que l’avis de paléontologues compétents ayant une connaissance réelle des fossiles de la région concernée ait été sollicité. Il est certes fait mention du Paléospace, mais selon mes informations de première main, ce musée a seulement été averti du projet, sans aucune discussion réelle avec ses responsables. Il faut noter aussi qu’apparemment aucune association compétente dans le domaine de la paléontologie n’a été consultée. L’Association Paléontologique Française (qui regroupe une bonne partie des paléontologues professionnels français ainsi que nombre d’amateurs compétents) n’a pas été appelée à émettre un avis lors de la conception du projet. Tout comme la Société géologique de France, l'Association Paléontologique Française s'est récemment prononcée contre l'interdiction du ramassage.
Le manque total de clarté au sujet d’éventuelles consultations de personnes ou d’associations compétentes conduit à s’interroger sur les inspirateurs réels du projet. Une certaine association de protection du patrimoine géologique, qui ne représente qu’elle-même et ne semble pas spécialement compétente en paléontologie, est souvent évoquée, à tort ou à raison, pour lui prêter des intentions peu louables de mainmise sur les sites fossilifères. L’obscurité à ce sujet nourrit toutes les rumeurs. On peut d’ailleurs à bon droit s’interroger sur les « structures partenaires validées par le comité consultatif » mentionnées dans le document. Comment seraient-elles choisies, sur quels critères ? On voit déjà s'agiter certains petits groupes soucieux apparemment de monopoliser les « dérogations » au détriment de structures plus compétentes, notamment les musées. Toutes les dérives paraissent possibles. Organiser un réel débat entre spécialistes compétents (que l’on peut trouver également parmi les amateurs, pas uniquement dans les laboratoires de recherche et les musées !) avant de prendre des décisions drastiques serait plus que souhaitable !

6) Retombées économiques

Il semble que les porteurs du projet d’interdiction de collecte des fossiles n’aient pas mesuré l’ampleur de ses conséquences économiques probables. Le nombre de personnes qui viennent en vacances sur la côte normande pour le plaisir d’y récolter des fossiles est loin d’être négligeable. Il est évident qu’il n’y viendront plus si la collecte est interdite (certains l’ont affirmé clairement sur les réseaux sociaux). L’attractivité des musées locaux ne peut aussi que diminuer, faute de nouveaux spécimens à présenter au public. Il est donc permis de s’inquiéter des conséquences pour le tourisme local. Il semble que certains élus locaux soient conscients du problème, et il est souhaitable qu’ils s’expriment à ce sujet.

7) Est-il interdit de s’inspirer de ce qui réussit ailleurs ?

Un des points étonnants du projet d’interdiction est qu’il semble ignorer volontairement les mesures de protection et valorisation du patrimoine géologique et paléontologique qui ont été mises en œuvre avec succès ailleurs, dans des conditions environnementales proches de celles de la côte du Calvados. On pense évidemment à ce qui a été réalisé sur la côte du Dorset, dans le Sud de l’Angleterre, où des couches mésozoïques très fossilifères sont connues depuis longtemps, dans un contexte géologique et géographique proche de celui du Calvados. Une réelle concertation entre tous les acteurs intéressés (amateurs, professionnels, musées, défenseurs de l’environnement) a permis d’aboutir à un code qui satisfait apparemment tout le monde. Cette portion de côte (Jurassic Coast) a d’ailleurs été classée au patrimoine mondial de l’UNESCO (ce qui a peu de chance d’arriver à la côte du Calvados si le projet d’interdiction de collecte, qui semble faire surtout des mécontents et se signale par son caractère arbitraire et autoritaire et son mépris pour le public, est mis en oeuvre). Il paraît pour le moins surprenant qu’on n’ait pas songé un seul instant à s’inspirer de ce modèle anglais participatif, qui fonctionne bien et n’est pas spécialement difficile à mettre en œuvre. L’argument que l’on a pu entendre, du style « ici on est en France », relève évidemment du chauvinisme et de la xénophobie...Peut-on espérer un sursaut qui conduirait à s’inspirer de ce qui fonctionne bien à l’étranger ?
Pour plus de détails sur le code en vigueur dans le Dorset :
https://jurassiccoast.org/wp-content/uploads/2015/10/West-Dorset-Fossil-Collecting-Code-of-Conduct.pdf

7) Conclusions

On peut s’étonner de ce qu’un projet visant à la protection d’un patrimoine naturel que chacun s’accorde à reconnaître exceptionnel suscite autant de rejet. Ce rejet tient principalement à un seul point du projet, l’interdiction totale de la collecte des fossiles. Je pense avoir montré à l’aide des arguments développés plus haut ce que cette interdiction, en plus de son caractère liberticide, serait absurde, contre-productive, anti-scientifique, anti-éducative et anti-culturelle. Il est plus que temps qu’une concertation réelle, avec des partenaires représentatifs et compétents, ait lieu, afin de parvenir à un code de conduite comparable à ce qui pu être mis en œuvre avec succès ailleurs dans le monde.


Eric BUFFETAUT

Docteur ès-sciences
Directeur de recherche émérite au CNRS (Laboratoire de Géologie de l’Ecole Normale Supérieure, Paris)
Ancien président de l’Association Paléontologique Française
Membre des comités scientifiques du Paléospace et du Muséum du Havre

Posté(e)
Il y a 19 heures, Pierre-Volante a dit :

Pourquoi une telle obstination? la raiponce ici: https://www.ecologie.gouv.fr/aires-protegees-en-france

c'est pour gratter quelques miettes de l'objectif des 30%

tout à fait..Il faut que la France affiche au niveau européen un pourcentage d'aires protégées..Donc on arrive à des aberrations telles que celle ci, où " on" ne se met pas à dos des lobbys importants tels qu' agriculteurs, forestiers et autres... on voit dans ce documents le blabla des technos du ministère où pour faire du 33% on compte même les parcs naturels qui en réalité ne sont pas des zones de protection, par exemple (bien que leur existence soit utile..)

Posté(e)
il y a 44 minutes, Trias 07 a dit :

Donc on arrive à des aberrations telles que celle ci, où " on" ne se met pas à dos des lobbys importants tels qu' agriculteurs, forestiers et autres...

cf le lobby des chasseurs, bien ménagé, lui, dans ce projet de RNN. Vous savez ce qui vous reste à faire, en matière de conversion à l'écologie. Vous serez autorisés à balader le flingue partout, à défaut du marteau ou du couteau. 

Posté(e)

perso. je suis chasseur cueilleur, punk a chiens, khmer vert. Diplômé en exploitations intensives (poly-cultures/ élevages)

Il y a 4 heures, icarealcyon a dit :

cf le lobby des chasseurs, bien ménagé, lui, dans ce projet de RNN. Vous savez ce qui vous reste à faire, en matière de conversion à l'écologie. Vous serez autorisés à balader le flingue partout, à défaut du marteau ou du couteau. 

Posté(e)

 

Il y a 1 heure, elasmo a dit :

Article publié le 26/09/2023 à 19h08 il faut bien regarder les dates

Merci, tu imagine bien que je sais lire les dates. tu a vu le lieu et lu la réponce? tu comprend?

 

Ci-dessous, un lien avec les cartes de l'emprise:

https://www.normandie.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-creation-d-une-reserve-naturelle-a4158.html

la zone tidal, incluse. le sens de cette "protection" est dévoyer!

Il y a 1 heure, elasmo a dit :

et entre temps il y a eu de nombreuses actions qui sont toujours en cours

du genre :On est pas contents, vous étes des gros vilain méchants.

raconte moi que je rigole 

Posté(e)
Le 25/02/2024 à 15:31, Théophraste a dit :

Une tribune pour sauver leur libre ramassage aux Vaches Noires (Normandie).

Attention, c'est une erreur de stratégie, et aussi une erreur tout court, de focaliser la tribune sur les Vaches Noires.

 

Ce sont tous les affleurements de la Côte Jurassique qui sont concernés et c'est donc sur tout le périmètre de la réserve qu'il faut maintenir la possibilité de collecter librement les fossiles et minéraux sur l'estran.

 

Cordialement,

 

jph

Posté(e)
Le 26/02/2024 à 00:26, Pierre-Volante a dit :

Pourquoi une telle obstination? la raiponce ici: https://www.ecologie.gouv.fr/aires-protegees-en-france

c'est pour gratter quelques miettes de l'objectif des 30%

A mon avis pas du tout.

 

La création de la RNN et les miettes grappillées n'ont pas besoin que le ramassage de fossiles et minéraux sur l'estran soit interdit pour atteindre l'objectif des miettes.

 

La vraie raison sous-jacente c'est la gueguerre que certains (qui sont des initiateurs du projet) font aux amateurs.

 

J'en veux pour preuve que la seule mesure concrète que la RNN nouvelle introduise sur son périmètre c'est justement l'interdiction du ramassage des fossiles et minéraux. Sachant que les principaux sites clés font déjà l'objet de mesures de protection du patrimoine géologique par ailleurs (Cap Romain, Confessionaux, Vaches Noires)

 

Il n'y a absolument aucune contrainte introduite sur aucune des activités qui nuisent (potentiellement et souvent réellement) à la biodiversité. Ni la pêche à pied, ni la pêche professionnelle, ni les sports de plein air, ni la chasse, ni l'agriculture ne sont encadrés plus dans la RNN qu'ils ne le sont n'importe où ailleurs sur le territoire par le cadre légal général. La possibilité de développer des activités conchilicoles est  explicitement ménagée dans l'arrêté.

 

Ce projet de RNN est donc en réalité une perversion du concept de RNN qui est utilisé ici comme véhicule, avec mauvaise foi, dans le seul but concret d'interdire la collecte des cailloux, et donc en fait dans le seul but d'agresser les collectionneurs et paléontologues amateurs.

 

Il ne faut pas se tromper d'analyse au risque de se tromper de cible.

 

Cordialement,

 

jph

Posté(e)
il y a 10 minutes, jph a dit :

Il ne faut pas se tromper d'analyse au risque de se tromper de cible.

Bonjour! je n'ai pas a cibler quelqu'un. j'ai un objectif commun avec l'ADPN, le Paléospace, la marie de Villers sur mer...

Cet objectif est que la collecte raisonnable de fossiles sur l'estran soit toléré.

Le dossier est entre les mains de l'exécutif

Le 27/02/2024 à 12:36, icarealcyon a dit :

Tribune signée.

aussi!

Posté(e)
il y a 4 minutes, Pierre-Volante a dit :

Bonjour! je n'ai pas a cibler quelqu'un. j'ai un objectif commun avec l'ADPN, le Paléospace, la marie de Villers sur mer...

Cet objectif est que la collecte raisonnable de fossiles sur l'estran soit toléré.

Relisez calmement ce que j'ai écrit

Posté(e)
Il y a 16 heures, jph a dit :

Ce sont tous les affleurements de la Côte Jurassique qui sont concernés et c'est donc sur tout le périmètre de la réserve qu'il faut maintenir la possibilité de collecter librement les fossiles et minéraux sur l'estran.

Page4, deuxième point de la troisième partie.

En suivant ce raisonnement, si l'on obtient gain de cause pour l'estran des vaches noires. De facto🤫

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