Roches volcaniques et pH

[Pascual]

Soit un espace de 80 Ha dans le Finistère

Au Nord, au point le plus haut, une forêt sur du grès très altéré (podzol ocre de 80cm).

Au centre, schistes et quartzites.

Au Sud, jusqu'au point le plus bas, une grande prairie plane sur un joyeux mélange de schistes (ardoisiers encore un peu plus au sud) et de veines volcaniques. La carte géologique dit "Dolérite / tuf kératophyrique" (du chinois, donc).

J'ai procédé à des mesures de pH dans les eaux qui traversent le dit espace. Les sources (nombreuses, certaines d'origine franchement souterraine, d'autres d'origine pluviale) sont acides (pH entre 4,5 et 6) Par contre les eaux des canalisations souterraines qui parcourent la prairie Sud et l'étang qui se trouve complètement au Sud sont neutres, voire alcalines (pH entre 6,5 et 7,5, voire pas loin de 8 par endroits).

Je ne comprends pas très bien pourquoi... Ma question est donc : la dolérite / tuf kératophyrique peut-elle être alcaline et influencer à ce point le pH du sol ?

Je me souviens qu'au Cap d'Antibes on trouvait des roches phosphatées alcalines qui influaient considérablement sur les sols, mais bon, un sol alcalin dans le Sud-Est ça n'est pas inhabituel, alors que dans le Finistère en théorie ça se cantonne aux sols littoraux.

Bon, tout ça pour dire en résumé : dolérite et tuf machin, c'est acide ou c'est basique ? Et qu'est ce que ça peut libèrer dans le sol au niveau des minéraux solubles et notamment métaux divers ?

[le sablais]

Un extrait d'un site :

lien

"Les minéraux du gabbro et leur altération

Comme tout gabbro, celui de Trégomar est constitué essentiellement de deux sortes de minéraux :

- des feldspaths plagioclases (labrador, anorthite)

- des pyroxènes (hypersthène, enstatite, diallage)

Examinons de plus près ces deux familles de minéraux :

A - Les feldspaths sont des silico-aluminates (présence de silice, d'aluminium et d'oxygène : Si-Al-O). Les plagioclases sont des feldspaths sodi-calciques : cela veut dire que leur formule chimique contient (en plus des trois éléments déjà cités et communs à tous les feldspaths) du sodium (Na) et du calcium (Ca). Le labrador et l'anorthite (principaux minéraux présents dans le gabbro de Trégomar) sont, parmi les plagioclases, ceux qui sont les plus riches en calcium.

Par altération les feldspaths présents dans la roche donnent des argiles. La présence de calcium confère aux terrains qui se développent à partir de ces argiles d'altération un Ph (Potentiel hydrogène) autour de 7. Ce Ph neutre est donc différent des Ph habituels au massif armoricain qui sont plus acides (autour de 5 à 6).

B - Les pyroxènes sont des minéraux ferro-magnésiens et il sont relativement riches aussi en calcium et sodium. La présence de fer rend leur altération assez rapide et celle-ci libère des éléments qui vont renforcer encore la neutralité du Ph."

le sablais

[Géomorpho]

Attention, mesurer le pH des eaux et le pH du sol n'est pas la même chose, et donc ne donne pas forcément les mêmes résultats. Si j'ai bien compris, les mesures concernent le pH des eaux. Le kératophyre est une roche volcanique intermédiaire, riche en plagioclases sodi-calciques, calcite et minéraux ferromagnésiens. Rien d'étonnant donc à trouver des pH de sols ou d'eaux plus élevés que sur les grès et quartzites culminants qui sont des roches siliceuses très acides (pH < 5 est cohérent). Le calcium est un élément facilement mobilisable par les eaux qui circulent dans les sols ou dans la roche. La concentration importante de Ca dans les eaux souterraines de la région, qui trouvent leur origine dans les roches kératophyriques (plagioclases, calcite, ferromagnésiens), est en mesure d'expliquer des pH proches de la neutralité, voire alcalins.

Géomorpho

[montroc81]

Ben pour faire simple ... si sur ces sols acides la végétation est naturelle .... pas de problème l'acidité des sols va procéder a une seléction naturelle et seules seront présentes les especes "acidophiles" (adaptées aux sols acides)

En revanche si vous souhaitez implanter des cultures et si le pH est inférieur à 5,5 il y de gros risques de toxicité aluminique : cela peut se traduire par une mauvaise levée des cultures, un jaunissement des végétaux, ... (phénomènes assez courant ... que l'on attribue souvent a tort à une rémanence des herbicides). Pour des pH encore plus bas, il existe des risques de toxicité manganique... mais là c'est beaucoup plus rare ... cela relève de la curiosité scientifique. Dans ces cas là ... une seule solution ... chauler.

D'une manière générale (mais à nuancer quand meme), l'acidité favorise la mobilité des métaux lourds, leur migration dans les sols et leur absorption par les végétaux

[montroc81]

Petite précision : là je parlais des pH des sols (non des pH de l'eau)

[Pascual]

Certes, mais le pH des eaux pluviales qui ont percolé à travers les horizons du sol est quand même directement affecté par le pH du sol (même si les deux ne sont effectivement pas identiques).

En résumé, il n'est pas incohérent qu'après avoir traversé le sol issu des kératophyres le pH de ces eaux passe de raisonnablement acide à neutre voire alcalin. J'entends bien : je ne parle ni des eaux de ruissellement en surface, ni des eaux de source dont les paramètres ne sont pas influencés par une si petite distance mais plutôt par leur origine, qui lui est manifestement acide (je me trouve à 1km des sources Isabelle, soit pH 5,7).

En pratique, j'ai une conduite perméable en schiste qui sert à évacuer l'eau des sources. Cette conduite traverse toute la prairie (qui surmonte la zone dorite/kératophyres, donc) avant d'arriver dans l'étang. En amont l'eau de la conduite est à un peu plus de 6 (parteillement neutralisée par le passage dans un ancien réservoir maçonné, je suppose). En bas après 300m d'une pente à 8% elle est à 7,5. Si les roches avaient plutôt acidifié le sol j'aurais pu écarter la piste naturelle et chercher qui s'amuse à balancer de la javel dans l'étang :) plus sérieusement ça pourrait impliquer une pollution quelque part dans la prairie, qui est importante sur le plan écologique.

Cela m'aiguille aussi sur les problèmes que j'ai par endroits avec certains rhododendrons (acidophiles purs et durs), et dans une moindre mesure avec les camellias (légèrement acidophiles). En haut ce serait trop acide pour leur bien, en bas pas assez... Je crois que je ne couperai pas à une série d'analyses de sol plus détaillées que mes 3 pauvres profils :)