Bachelard et l’obstacle épistémologique

[Paléohédoniste]

Voici un texte que tout professionnel ou amateur prétendant émettre un discour scientifique devrait lire chaque jour de sa vie :

"L'obstacle épistémologique est une expression du philosophe Gaston Bachelard exposée dans La formation de l'esprit scientifique en 1938. Dans ce livre, l'ambition de Bachelard est de réaliser une psychanalyse de la connaissance, c'est-à-dire de montrer quels soubassements inconscients conduisent l'esprit du chercheur à mal interpréter des faits et à commettre des erreurs dans le domaine des sciences. Des obstacles, étymologiquement : ce qui est posé devant, viennent se placer entre le désir de connaître du scientifique et l'objet étudié. Durant sa formation, l'esprit scientifique a dû lutter contre lui-même pour s'arracher à ses illusions et parvenir ainsi à la connaissance. Le qualificatif "épistémologique" signifie que l'obstacle est lié à l'esprit scientifique lui-même, il est interne à l'acte de connaître (episteme vient du grec et signifie la connaissance).

Pour tout esprit scientifique en formation souhaitant éviter les obstacles épistémologiques, Bachelard préconise quatre impératifs :

- réaliser une catharsis intellectuelle et affective,

- réformer son esprit,

- refuser tout argument d'autorité et

- laisser sa raison inquiète.

La catharsis intellectuelle et affective consiste à se déprendre de ses préjugés et de ses opinions (l'opinion ne pense pas pour Bachelard).

La réforme de l'esprit ensuite, consiste à éduquer l'esprit non pas en le saturant de connaissances, mais en lui apprenant à se réformer sans cesse et à éviter de s'enliser dans des habitudes intellectuelles.

Le refus de l'argument d'autorité consiste à rejeter tout argument qui ne tient qu'au respect dû aux autorités intellectuelles, et non à une démonstration logique ou empirique.

Enfin, l'inquiétude de la raison consiste à ne pas trop laisser sa raison en repos, à exercer son esprit critique et sa liberté de jugement."

Paradoxalement ce texte peut être lui-même pris par certains comme un obstacle épistémologique.

[Alcide]

Philosophie largement reprise pour la didactique des sciences dans les IUFM entre autres.

Un americain a dit d'une autre maniere que l'enseignement des sciences se confond souvent avec une reeducation (et merci pour les accents).

[jnoun11]

salut paleohedoniste

les scientifiques sont prisonniers de leur propre éducations, ce n est pas pour rien qu en France, par exemple, les chercheurs trouvent rarement des squelettes entiers, alors que les américains en trouvent.

l habitude de travailler avec des morceaux fait que l esprit ne cherche que les morceaux car il est incapable d appréhender un fossile complet on ne trouve que ce que l on cherche. les phophates marocains en sont un malheureux exemple, des années de fouilles depuis Arambourg n ont jamais sortis un squelette complet alors qu ils y a plus de squelettes complets que de morceaux .

les américains dans les kem kem, on trouvés plus de matériel que les français.

la catharsis intellectuelle est un processus louable en théorie mais très peu de chercheurs acceptent de se remettre en questions. sur le terrain les meilleurs trouveurs de fossiles sont souvent des gens qui se sont remis en question en travaillant avec des chercheurs étrangers et qui ont changer leur approche du terrain.

les egos ou la course a la publication nationale ne sont pas bon pour la science.

bonne journée

jnoun

[trenen23]

Merci pour ce petit texte très clair (j'ai une trouille de Bachelard et des textes philosophiques, phobie qu'essaie occasionnellement de repousser avec beaucoup de finesse mon collègue prof de philo).

Bon ça fait plaisir, ça correspond beaucoup à ma manière de voir et à ce que j'enseigne (pas toujours ce que pratique, mais c'est par flemme et dilettantisme).

Serge

[Paléohédoniste]

Serge (dont la photo me rappelle un ostréiculteur de Charente Maritime)

Il me semble que la trouille (phobie) de la philosophie (comme celle des mathématiques) remonte à nos années de lycée.

Rien n'est fait pour accompagner cette discipline d'un quelconque sourire ni même pour l'enraciner dans la vie quotidienne, somme toute banale.

Au contraire car c'est la chasse gardée des universitaires, de l'académisme et des mandarins.

Si ces figures rébarbatives et autoritaires ne s'autorisent que la philosophie idéaliste, ne pérorant ainsi que sur une patte, nos ancêtres de la Grèce antique résonnaient bien sur leurs deux pieds car la philosophie matérialiste avait encore droit de cité....dans la citée.

Ainsi un potier pouvait philosopher avec son voisin le tisserand aussi bien qu'avec Démocrite ou s'offrir un enseignement auprès d'un sophiste.

La philosophie était populaire, démocratique et banale.

Et comme disait Brel : "ce n'est qu'après, longtemps après..."

Ah, tu es "pédago" ! Dans quelle branche ? (n'y vois aucune allusion quant à un rapprochement avec une forme simiesque!)

Jnoun (le djinn aventurier digne successeur de Corto)

Je suis content de te lire car tu es pour moi à lire Géoforum "l'aventurier de l'Afrique du Nord".

Fouiller dans les phosphates du Maroc est un rêve d'enfant que je n'ai hélas jamais pu concrétiser du fait des vicissitudes de la vie. La vieillesse et la maladie courent toujours plus vite que toi.

Je suis ô combien en accord avec ton discours, surtout le passage "les egos ou la course à la publication nationale ne sont pas bon pour la science."

On est en plein dans l'anarchisme épistémologique pour lequel l'affect vient parasiter voire pervertir la démarche scientifique.

J'ai toujours été étonné et même parfois blessé de voir comment quelques fossiles, qui ne sont que des fossiles en fait, rendent certains amateurs et professionnels complètement zinzins à un point qu'ils en oublient les fondamentaux de l'éthique et le respect indispensable de l’autre.

Combien d'idées de publications, de gisements et autres découvertes sont ainsi régulièrement volés, plagiés.

Je pense que sur ce point très précis il y a un vide juridique flagrant car c'est seulement l'antériorité d'une publication qui fait fois, jamais la manière dont l'auteur ou les auteurs ont acquis leur savoir ou leur matériel d'étude.

Sinon, oui en France on est peut-être « handicapés du squelette entier » mais question affleurements je crois que l'on ne peut rivaliser avec les USA ou le Maroc, non ?

Il y a également beaucoup de chercheurs "fonctionnaires" qui ne mettent pratiquement jamais les pieds hors de leur labo, qui n'ont donc pas ou peu le sens du terrain et qui évidemment ne trouverons jamais rien d'autre que ce que quelques amateurs leur apportent.

Pour trouver il faut d’abord fouiner et ensuite ne pas hésiter à remuer des tonnes de sédiments, qu’on les lave ou non. Là c’est une autre folie que de se « casser la cacahouète » souvent en plein soleil, de dormir dans des conditions que le plus résistant des forçats ne supporterait pas et manger des conserves douteuses ouvertes au marteau et au burin et dont le contenu craque sous la dent. Mais je trouve cette folie beaucoup plus saine et humaine !

Il y a peut-être aussi un problème de crédits car pour trouver une bête entière, il faut des moyens techniques et donc financiers importants. Mais depuis les années 80 l'Etat français (et les financiers qui vont avec) se moquent éperdument de la recherche fondamentale, Paléontologie comprise sauf pour quelques sujets bien médiatiques et bien ronflants aptes à drainer des crédits de recherches.

Depuis tant d’années à vivre ma vie, à vivre tout court, j’ai pu mettre en perspective ce curieux labyrinthe peuplé parfois de rats douteux qu’est la Paléontologie. Je suis le plus souvent en observateur extérieur aujourd’hui et je rigole ou me force à rigoler afin de ne pas être trop effondré.

Amitiés aux humains mais pour les autres continuez à galoper, ronger, vous entre-déchirer ridiculement, bande de guignols obsédés.

Ouf ça fait du bien !

[jnoun11]

bonsoir paleohedoniste

oui la France est un terrain d jeu merveilleux toutes les époques y sont représentées mais les jeunes bien souvent veulent réinventer l eau chaude alors qu il faut juste étudier les nobles ouvrages de paléontologie hérités de nos prédécesseurs et de creuser. je vois déjà les holà au sujet des interdictions diverses et autres autorisations. personnellement si j avais écouter les autres a chaque fois avant d aller fouiller je n aurais rien fait, et beaucoup de fossiles seraient aujourdhui du ciment ou du déblais de route. j ais eu la chance de trouver des financiers qui ont soutenus mon travail sans l association de l argent et de la passion il est difficile de faire de grandes choses.

la demolition étatique de grands pans de recherche est une honte pour tout ceux qui se sont battus pour bâtir peu a peu la science,souvent bénévolement sans rien demander qu un peu de reconnaissance. vu de loin la science ne va pas bien et le niveau general de courage baisse peu a peu devant les barrieres qui sont mises en travers des amateurs ( qui parfois il faut bien le reconnaître on donner le bâton pour se faire battre...)

un chercheur étatique est souvent très bon pour la description d un spécimen donne mais sur le terrain je trouve qu il faut laisser la place a ceux qui ont passer des centaines d heures a prospecter et qui sont doués pour ça.

un fossile n est pas rare, même si c est une chance qu ils soient parvenus jusqu’à nous, la vie a toujours ete généreuse en produisant des multitudes qui dorment au chaud de la terre,c est le manque de projets d envergure multinationaux ( pour avoir différentes façons d aborder un sujet ) ou même entre potes qui fait croire a une certaine rareté .

pour ce qui est de l esprit critique je voit plus de critiques dans le monde que d esprits. et même lorsque l on penses que nous somme ouvert ,nous avons nos limites a ce que l on peut remettre en question , et on préfère parfois rester sur ce que l on trouve confortable pour nous même.

le fait de vivre dans un pays totalement différent de la France a tout point de vue m a fait me confronter a mes propres limites et je ne me peut me poser en juge de ce qui est bon ou mauvais , je vois beaucoup d energies dépenser en pure perte et peu d action concrètes .

j ais un moment rechercher un successeur a qui transmettre le peu de connaissance acquise par les années ,et chez les jeunes je n ais trouver que des questions sur la sécurité de l emploi ,sur les assurances,sur les salaires etc ,je rêvais d un monde de passion et je pensais qu a 20 ans on s en foutais un peu de la sécurité de l emploi . ça n augure rien de bon pour le futur, cette peur de n être pas protéger , cette demande perpétuelle d assistance et ce doute ambiant.

il faut a peu prêt une dizaine d années pour former un bon préparateur de vertébrés et je sent qu il n y aura pas de relève, bien dommage,la terre n en continuera pas moins de tourner, mais ça manque un peu de rêves, qui ne sont rien de concret mais qui associes a l audace font de la terre en endroit ou il fait bon vivre...

pour ce qui est du Maroc ,il y a encore plein d endroits de rêves pour un chercheur et je penses qu un jour tu trouvera un petit moment pour venir te faire plaisir.

vive la passion

jnoun

[trenen23]

Coucou à tous les deux,

Bon pas ostréiculteur chez les cagouillards maritimes, même si j'y passe un peu de temps. Juste géologue métallogéniste devenu prof de svt (et super content de l'être!) doté d'un collègue prof de philo très fin et très ouvert à la discussiob.

Amitiés, Serge