Le grand Laoutien

[nicoulina]

Bonjour

Après vous avoir interrogé sur le volcan de Maure-Vieille pour l'article de mon blog de randonnées randomania (merci encore), je reviens vers vous au sujet du petit et du grand Laoutien, curiosité géologique à la Roquebrussanne (Var) dont je n'explique pas la rareté.

Quelqu'un les connait-il ? qui pourrait me renseigner sur sa formation géologique ?

Voici ce que j'ai trouvé le grand Laoutien

D'avance un grand merci

[Papyfred]

Bonjour Nicoulina !

Alors, notons tout de suite cette subtilité : " Site classé Arrêté du 23 aôut 1932 ", mais :

" Autres mesures de protection concernant le site : Aucune " ! = Classé, mais pas protégé !

" Motivation de la protection : L’aspect incongru des deux petits lacs karstiques au milieu d’une vaste plaine cultivée, dont l’un des deux

seulement est protégé, attire l’attention sur la route de Garéoult. Leur forme et leur régime sont étonnants.

Ils présentent l’aspect de cratère mais n’ont rien de volcanique et ne doivent leur structure qu’à des effondrements successifs. Une aire d’accueil permet au visiteur de découvrir en profondeur le lac du Grand Laoutien avec des variations de niveau qui sont impressionnantes. Il serait aussi l’unique endroit connu au monde où croit la plante subaquatique Limnogeria lougiseta."

On ne peut que déplorer avec le rédacteur de ce sujet : L' "Etat actuel ": Dégradation physique et visuelle du site +++ suite aux travaux sur le CD, et à l'implantation d'un ridicule édicule ; ainsi que l'absence de classement du Petit Laoutien…

Un peu d'étymologie ? pour une randonneuse curieuse : Lau (diphtongue : *laou), c'est le lac ; cien-ciencho est le qualificatif, contenu(e), enclos(e). Voilà qui convient bien à ces deux petits trous d'eau karstiques…

Mais ta question porte sur leur formation ! Beaucoup de gypses dans tout ce secteur sédimentaire… Donc, des évaporites hydrosolubles ! Il s'en suit la présence (souterraine) de nombreuses poches de dissolution… celles des deux Laoutiens, lorsque les terrains (trop minés) qui les recouvraient se sont effondrés, ont atteint la surface.

Ces cas ne sont pas rares dans la Provence sédimentaire : de temps à autres c'est une portion de route, ou une maison, qui s'abime dans l'une de ces poches… ce qui fait la différence ici, c'est que le " cratère " ouvre sur la nappe phréatique.

Le petit lac de Tourves (en voie de comblement rapide par homo sapiens) pourrait avoir la même origine…

À+

[nicoulina]

J'aime beaucoup les réponses détaillées de Papyfred ! quant à l'étymologie, elle me satsfait mieux que celle du site Les merveilles du Var : "Son nom vient du provençal "Loucioun" que l'on peut traduire par lavabo, cuvette".

Autre interrogation : je n'ai pas retrouvé sur les abords du lac la végétation habituelle des eaux dormantes...

[Papyfred]

" Autre interrogation : je n'ai pas retrouvé sur les abords du lac la végétation habituelle des eaux dormantes... "

Je pense que cela est dû aux grandes variations de niveau, qui font de ces eaux des eaux pas tout à fait dormantes (je m'explique : il n'y a pas de courant - ce qui est la caractéristique des eux vives - mais l'amplitude des variations de niveau, interdit - à mon avis - l'installation d'une végétation d'eaux dormantes)…

À+

[nicoulina]

Je viens de publier mon article le petit et le grand Laoucien; j'espère ne pas avoir fait d'erreur : j'ai veillé à citer le plus fidèlement possible papyfred.

Merci à lui et à ce sympathique forum toujours prêt à donner des réponses qualitatives.

[Papyfred]

Je t'ai trouvé un complément d'informations ! suite du message dans quelques instants !

Édit : je reviens, comme promis, pour la suite :

Voici ce que j'ai trouvé : " Il y a dans la plaine un lac, ou peut-être un abîme sans fond. Le 1er novembre 1755, jour mémorable par le tremblement de terre de Lisbonne, les eaux de ce lac s'élevèrent à une hauteur considérable. Elles furent agitées et rougies. Le même mouvement fut observé en Provence aux lacs de Tourves et de Bras et à la fontaine de Colmars. Le peuple de la Roquebrussane avait la superstition de croire que si tous les ans on ne bénissait pas le lac, il en sortirait dans le cours de l'année des flammes qui ravageraient la contrée ; ce qui prouve que ce lac s'est formé de quelque volcan. "

La dernière phrase est très amusante ! Ça sort du " dictionnaire géographique et historique de la Provence " par Étienne Garcin deuxième édition, 1835. Natif de Draguignan, l'auteur devint, après avoir été instituteur, directeur d'un journal à Toulon. Il est également l'auteur d'un " Parnasse Provençal " (recueil de vers provençaux), d'un roman en prose, d'un dictionnaire Français-Provençal + Provençal-Français, et de nombreux articles… C'était un érudit de l'époque, membre correspondant de nombreuses sociétés " savantes ".

Comme beaucoup d'auteurs de son époque, même s'il a voyagé, il n'a pu aller partout, il n'est peut être jamais allé à la Roque. Il avait des correspondants - instits et curés, surtout, érudits locaux - je me suis étonné qu'il ne parle que d'un seul lac… Je n'ai pas pris le temps de consulter le cadastre napoléonien pour tenter d'en savoir davantage. Son correspondant ne lui avait-il parlé que d'un seul lac ? n'en existait-il qu'un dans le début des années 1800 ? Mystère…

À+