J'ai poussé, pour la première fois, samedi, la porte d'une certaine boutique de minéraux parisienne, dont je tairai le nom mais qui suggère que les objets sont issus d'un certain pays lusitanophone d'Amérique du Sud.
Horreur !
Une boutique misérable au fond d'une cour, invisible depuis la rue, bourrée de pierres, galets roulés, bracelets, colliers et pendentifs. Un bric-à-brac où il est quasiment impossible de circuler.
Je me dirige vers les grosses pièces, elles sont toutes reléguées au fond du magasin. Beaucoup de pièces de belle taille : un tas de géodes d'améthyste, évidemment, des rhomboêdres de calcite, des fluorites (mais peu), des wulfénites, de belles aigues-marines pakistanaises, tourmalines, de très nombreux cristaux de quartz géants, un large choix...
Mais, hélas, souvent esquintés, poussiéreux, aux arêtes abîmées par leur proximité mutuelle, sur des étagères d'un autre âge. Des pièces disposées sans soin, sans idée, sans amour, quoi, presque entassées. Sans étiquette non plus, démerdez-vous, ou alors des étiquettes oubliées là, alors que l'objet désigné est parti depuis longtemps. Quelques fossiles aussi dont un authentique et "très rare fossile de chaînon manquant entre les dinosaures et les oiseaux" qui a l'aspect bizarre d'un griffonnage au graphite.
Mais l'essentiel du magasin est constitué de larges rayonnages de babioles, de galets roulés, de pyramides de shungite, de sphères. Il faut alors écouter le femme qui tient les lieux; Une large tignasse blonde bouclée, qu'on verrait mieux vendre des frippes ou dire la bonne aventure. Il faut entendre son ton assuré quand elle répond aux clients, un peu haut pour que toute la boutique entende bien : "Oui madame, pour le premier chacra, il vous faut du noir", "L'ulexite et la sélénite c'est la même chose", "Je ne vous conseille pas ça pour la bioprotection, sauf si vous maîtrisez les sceaux de Salomon". Une cliente demande conseil, comme à son pharmacien "Et pour le coeur, ça c'est bien?", "Oui je vous le recommande, vous en avez des plus gros là-bas, ce sera plus efficace", "ça c'est bien pour révéler les angoisses cachées, très puissant"...etc...
Un autre constat m'a frappé, et dès mon entrée : la clientèle est quasi-exclusivement féminine ! Pourquoi ?
Dans un coin des bouquins et guides mais exclusivement de lithothérapie. Vous n'y trouverez pas un seul livre un tant soit peu sérieux, j'ai tout examiné. En guest star s'affiche la shungite.
Je quitte le magasin laissant derrière moi des pièces ternes et oubliées, avec le sentiment de les laisser à leur abandon.
Et vous savez le plus triste ? La boutique était bondée...