Oui, on peut se poser la question de pourquoi on a ces beaux gypses 'gemmes' ici ou là, en fait dans beaucoup de gisements ou on est à peu près surs qu'il y a eu des circulations d'eaux chaudes. Je pense qu'on peut s'inspirer de ce que les chercheurs ont écrit sur Naica (Mexique) : ces idées viennent de la "Cristal Factory" de Grenade (Espagne), un labo dédié à la nucléation et la croissance cristallines, travaillant surtout pour les industriels de la cristallisation (pharmaciens en tête).
En gros : gros cristal = cristal formé dans des conditions ou la nucléation a été parcimonieuse (comme dans une pegmatite)
Corollaire pour les chimistes : les fluides n'ont presque jamais été fortement sursaturés par rapport au gypse. Ça ne dit rien sur la vitesse de cristallisation ni sur le temps que ça a pu prendre pour former les cristaux : c'est une contrainte dure, mais qui porte uniquement sur la chimie des solutions aqueuses mères.
Ce qui nous ramène à considérer un scénario dans lequel on forme du gypse avec une eau juste assez minéralisée pour le précipiter, mais sans plus.
Tout le contraire d'une évaporite ou on atteint des sursaturations monstrueuses, et ou on forme des cristaux à la pelle.
Les gens de Grenade ont proposé un tel scenario pour Naica, et personnellement je suis assez convaincu.
Le point de départ est la thermodynamique et les solubilités relatives de l'anhydrite et du gypse : il y a entre 50 et 65°C une fenêtre de températures dans laquelle la solubilité du gypse est inférieure à celle de l'anhydrite mais pas de beaucoup, ce qui fait qu'une eau qui précipite du gypse parce qu'elle est en train de dissoudre de l'anhydrite juste à coté ne peut pas être très sursaturée par rapport au gypse, et cette situation persiste tant que l'anhydrite n'est pas épuisée, et que de l'eau circule dans cette même gamme de températures.
Si on envisage un gisement dans lequel on a de l'anhydrite primaire, et que ce gisement est balayé par des eaux chaudes, on va passer dans la fenêtre favorable pour néoformer du gypse dans des conditions assez douces pour qu'il ne nuclée pas trop fort, donc peu de cristaux, et que sa croissance se fasse presque à l'équilibre.
C'est poussé à l’extrême dans le cas de Naica : on a une intrusion en pipe qui date de 30Ma, déjà bien refroidie, et les eaux convectées dans le gisement sont pile a la
bonne température 55-60°C, avec la bonne chimie (mesurées pendant l'exploitation), et puis il y a ces somptueuses cavernes hypogènes qui servent de cristallisoir.
Il me semble qu'on peut imaginer des scenarii un peu similaires pour les gisements des Pyrénées, ou il y a de l'anhydrite dans le Trias qui attend son heure, et ou des circulations convectives sont avérées depuis le Crétacé. Ou ces beaux cristaux se forment ? Dans des vides, comme toujours, karstiques, hypogènes, fractures...